” Apres la décolonisation orchestrée par le Général de Gaulle, des troubles avaient éclaté au Cameroun. Ou se situait, a propos ce putain de pays et quelles étaient son histoire et sa singularité ? Une fraction extrémiste regroupant les BAMILEKE s’était soulevée. Selon une tradition africaine qui n’était pas encore relayée par la télévision, des massacres avaient eu lieu, suivis d’une répression ou les forces gouvernementales, épaulées par des Conseillers militaires français, n’avaient fait preuve d’aucune réserve. Tentés par une aventure africaine, des camarades du Colonel Martineau étaient partis piloter des hélicoptères et ils étaient revenus lourds de récits de cadavres flottant au fil de l’eau ou pourrissant dans la foret ” Constantin MELNIK, Haut responsable de l’Etat français (extrait de son bouquin ‘la mort était leur mission’ édité chez PLON en 1996
” Foccart a joué un rôle déterminant dans cette affaire. Il a maté la révolte des BAMILEKE avec Ahidjo et les services spéciaux. C’est la première fois qu’une révolte d’une telle ampleur a été écrasée convenablement. Il a été très sage pour ne pas exciter l’armée “. Pierre Guillauma, Ministre des Armées du Général de Gaulle
” En deux ans, de 1962 a 1964, l’armée régulière a complètement ravagé le pays BAMILEKE. Ils ont massacré de 300 000 à 400 000 personnes. Un vrai génocide. Ils ont pratiquement anéanti la race. Sagaies contre armes automatiques, les BAMILEKE n’avaient aucune chance (.) Les villages avaient été rasés, un peu comme Atilla ” Max BADET Officier du Corps expéditionnaire français
Max Bardet, Constantin Melnik, Pierre Guillauma, Foccard., ont bien reconnu la responsabilité d’ailleurs indiscutable de la France dans ce génocide. Quatre personnages qui forment une chaîne dont le gros maillon de départ n’est autre que Charles de Gaulle, Chef de la France libre, que le Cameroun a pourtant accueilli et aidé en 1940 après sa lourde et cuisante défaite à Dakar.
La France doit sa Libération et sa prospérité aux Camerounais. Particulièrement aux BAMILEKE. Voici pourquoi : L’Allemagne a été de tout temps un voisin redoutable pour la France, sorte de cobaye où les Allemands ont expérimenté toutes leurs visées impérialistes. Peu avant l’éclatement de la Première Guerre Mondiale, L’Allemagne a aussi tenté d’étendre son influence en Afrique. Faisant usage d’une grande brutalité, son protectorat s’est rapidement répandu sur les Côtes. Débarqués à Douala, ils condamnent Douala Manga Bell qui s’oppose à leurs méthodes et l’exécutent par pendaison. Il s’agit d’une mise en garde sévère à tout récidiviste. La conquête du Littoral camerounais est une partie de plaisir pour Bismark et ses hommes. Les colons allemands progressent tranquillement et se dirigent vers l’ouest du pays, à coup de travaux forcés. En territoire BAMILEKE, Ils seront surpris par la riposte. La résistance des Patriotes est foudroyante. Les méthodes allemandes, pour la première fois en Afrique, enregistrent un cuisant échec. Ils optent pour la ruse qui échoue. C’est alors qu’ils acceptent de négocier. Les Allemands ont compris très vite qu’il est inutile de faire la guerre à un peuple qui fait preuve d’une telle détermination.
Les BAMILEKE n’ont pourtant pas une tradition militaire. En 1940, Ils vont mettre cette expérience historique au service de Charles de Gaulle. L’aide ne s’arrêtera pas là. Universellement reconnus pour leur sens légendaire de l’épargne, les BAMILEKE vont mobiliser une forte somme d’argent, l’argent étant le nerf de la guerre qu’ils remettront à titre de prêt au Général contre une reconnaissance de dette que De Gaulle et la France n’ont jamais honorée. Ce bref retour à l’histoire a une valeur pédagogique. Il rétablit une vérité encore une, qu’aucun livre d’histoire au Cameroun n’enseigne.
Logiquement, lorsqu’on a fait preuve d’une telle générosité à l’égard de quelqu’un, on s’attend au moins à un acte de reconnaissance de sa part. Comment de Gaulle a-t-il retourné l’ascenseur ? Ecoutez la réponse de Francois Xavier Verschave, extrait de La Francafrique, dont il est l’auteur :
” Foccart expédie au Cameroun une véritable armée : Cinq bataillons, un escadron blinde, des Chasseurs bombardiers T26. A sa tête, un vétéran de guerre d’Indochine et d’Algérie, le Général Max Brillant, surnommé ” le Viking “. En Extrême-Orient, ce colosse blond a commandé durant deux ans la 22e RIC, les Casseurs de Viets. (.) Le Général Brillant se pose en rouleau-compresseur, et le Colonel Lamberton en stratège. (.) La lutte anti-guérilla menée par les Commandos coloniaux est d’une brutalité inouïe. Vagues d’hélicoptères, Napalm. C’est une préfiguration de la guerre du Vietnam que se jouent les vétérans d’Indochine. Leur rage est d’autant plus grande que sur plusieurs fronts ils remportent des suces ponctuels. “
Les massacres de l’armée française en pays BAMILEKE ont toujours fasciné Verschave. Président de Survie, une ONG française humaniste, il s’est rendu au Cameroun pour enquêter et chercher à comprendre. Dans le N° 135 de l’hebdomadaire Camerounais Mutation publie le 23 juillet 1998, Verschave tire cette conclusion à la page 5 : ” Ce qui m’a le plus frappé au cours de mon enquête, c’est que ces faits macabres suscitent encore une telle terreur que tous mes interlocuteurs camerounais en étaient comme stupéfiés. Ils m’ont dit qu’il s’agissait de quelque chose d’explosif, et qu’eux mêmes avaient du mal à entreprendre une démarche à caractère historique et scientifique sur ces carnages de l’armée française. Dès lors, je me suis dit que si 40 ans après il y a encore une telle terreur, on peut être certain qu’il s’est passé quelque chose de terrible. (.) Les Camerounais sont en droit de savoir ce qui s’est passé et davantage ce qui se passe. Il leur revient de définir l’urgence ou non d’une telle démarche “
« Il n’est pas possible d’effacer les traces d’un génocide qui vous a frappé. Cela doit être inscrit dans la mémoire des hommes et ce sacrifice doit servir d’enseignement aux jeunes en même temps que la volonté de survivre afin que l’on sache, à travers le temps, que ce peuple n’appartient pas au passe, qu’il est bien du présent et qu’il a un avenir ».( François Mitterrand Vienne, janvier 1984)
« Reconnaître l’existence d’un génocide s’impose à tous, car un tel forfait interpelle l’humanité dans son ensemble. Nier son existence atteint directement les survivants, insulte la mémoire des victimes et les assassine une seconde fois. Nier l’existence d’un génocide banalise l’horreur (.) Le devoir de mémoire et la lutte contre l’oubli s’impose donc à chacun, aux survivants de la tragédie comme à ceux qui les côtoient, afin que ces actes barbares ne soient pas ignores ou niés. On sait aujourd’hui qu’il est impossible d’entamer un travail de deuil sans que justice soit rendue et que les coupables soient punis, – ou à tout le moins désignés quand il est trop tard pour les sanctionner. Le denier est un assassinat de la mémoire » ” René Rouquet, Parlementaire français le 26 mai 1998
« Au XXe siècle, le génocide demeure un fléau frappant l’humanité de manière récurrente. Le terrible holocauste des Juifs a été une des plus effroyables violations des droits de la personne et des peuples. Au procès de Nuremberg, les responsables ont été juges et condamnés. Mais combien d’autres génocides restent impunis ? Les responsables s’efforcent de nier leur culpabilité et prétendent à l’impunité. Or le génocide est un crime contre l’humanité dont la condamnation doit être universelle ; Le temps ne diminue en rien la responsabilité de ses auteurs et il n’y a pas de péremption pour un tel crime ». Adolfo Perez Esquivel, prix Nobel de la paix
. « …Le génocide dont les BAMILEKE ont été victimes fait de moins en moins l’objet d’un doute. Voyez par exemple le livre de Verschave “La Françafrique”. Ce qui manque, ce sont les chiffres. Il y a probablement des centaines de milliers de morts. Nous avons un devoir de mémoire sur cet épisode tragique de notre histoire nationale ». Pr Mongo Beti écrivain camerounais