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En ces temps de libération, il me paraît fort utile de reprendre les propos de ces vieux assis qui voyaient plus loin que les jeunes gens debout. Je pense à Joseph Ki-Zerbo qui nous dissuadait de vivre avec la mémoire d’autrui, et à Cheikh Anta Diop qui nous mettait en garde contre le risque d’avortement d’un tel mode de vie. Un peuple qui tourne le dos à son histoire et à sa culture, se condamne à être étranger à lui-même, à paraître étrange aux yeux des autres peuples. Nulle part, les pasticheurs n’ont eu bonne réputation. Peut-être ai-je ressassé la nécessité de donner un fondement historique et culturel à l’ organisation politique de nos sociétés. Mais, sur cette question essentielle, on n’a pas fini de m’entendre. Se libérer, c’est aussi s’inspirer des institutions mises en place en Afrique par des Africains pour les Africains, c’est créer ou innover à partir de nos mœurs et coutumes, au lieu de vivre selon les habitudes des autres, ou de parodier des instituions mises en place sous d’autres cieux par des peuples étrangers.Peut-être ai-je fait trop de théorie, là où des exemples concrets auraient mieux servi l’objectif visé. En voici quelques-uns sur le modèle démocratique des temps anciens.Le monarque partageait la réalité du pouvoir avec un Conseil de gouvernement qui l’élisait parmi plusieurs candidats. Composé des représentants de toutes les couches sociales, sans exception, il avait la prérogative de destituer le roi. Le régime était une démocratie entendue au sens de participation de tous au gouvernement.Chez les anciens Yorouba, par exemple, le Conseil était élu par la population, et le Balé, c’est-à-dire le roi, était élu par le Conseil.Le Dahomey pratiquait un bicaméralisme original. Les décisions concernant la vie collective étaient prises par une assemblée d’hommes et une assemblée de femmes qui siégeaient séparément, mais qui avaient les mêmes prérogatives. La parité hommes-femmes que les démocrates occidentales dites les plus avancées tardent à réaliser semble avoir été une vieille pratique africaine.Qu’est-ce qui justifie la durée du mandat présidentiel dans nos démocraties modernes ? Septennat ou quinquennat ? Rien sinon le mimétisme des Constitutions (IIIe et Ve) de la République française ?Rien ne nous empêche de fonder la durée du mandat présidentiel sur des traditions africaines.Dans plusieurs royautés, la durée du règne était de huit (😎 années au bout desquelles le roi était mis à mort. La mise à mort devint ensuite symbolique. On pourrait partant de là faire en sorte que le mandat présidentiel soit de quatre (4) ans renouvelable une fois.Une des grandes contradictions de la démocratie parodiée concerne le rôle de l’armée. On ne peut pas demander à l’armée de défendre le territoire et les intérêts de l’État, d’assurer sa sécurité, sa souveraineté, de veiller à la protection des populations, lui accorder le droit de vote, et en même temps lui interdire de se mêler de politique. Dans le modèle démocratique africain, cette contradiction était résolue par la représentation de l’armée au Conseil de gouvernement. Trouver une forme moderne de participation de l’armée au gouvernement de la cité, c’est à la fois résoudre la contradiction et prévenir les coups d’État.La matière est abondante. Il faut la livrer au génie créateur africain afin qu’il la façonne.

Farmo M.

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