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Fin de la lune de miel entre la Chine et l’Afrique ! Ou voici comment l’Afrique a raté le virage d’utiliser les capitaux chinois pour se libérer de la prédation de l’Occident.

Jeudi le 5 septembre 2024, au deuxième jour du 9ème forum de coopération Chine-Afrique (du 4 au 6 septembre 2024), avec 53 chefs d’État africains à Pékin, le président Chinois Xi Jinping a annoncé ce matin, une enveloppe de 50 milliards de dollars d’investissement pour tout le continent africain.

C’est toujours mieux que les 55 milliards de dollars que Joe Biden avait promis le 14 décembre 2022 à 49 chefs d’états africains qui avaient répondu à son invitation à Washington. Mais ce n’est pas assez, par rapport à ce que la Chine investit dans d’autres pays, dans d’autres zones du monde.

Alors que les chefs d’états attendaient de la Chine un geste de générosité, cette dernière a à mon avis, déjà tourné la page de la relation avec l’Afrique, pour se concentrer sur les régions du monde qui sont plus conscientes de l’importance des sacrifices consentis par la Chine, pour stimuler leurs économies. Les 50 milliards de dollars, c’est la preuve de ce que je pense.

De 2000 à 2022, pendant 22 ans, la Chine a mis le paquet pour stimuler les échanges avec l’Afrique dont la valeur a été multipliée par près de trente, pour atteindre le record de 282 milliards de dollars. Jamais dans l’histoire du continent africain, aucun partenaire n’a été à ce point déterminant sur la croissance de la richesse du continent.

Pour l’essentiel, les infrastructures du continent africains sont offertes ou construites par la Chine, des aéroports aux hôpitaux en passant par les routes, les stades, les piscines olympiques, les palais présidentiels, les parlements. Sans oublier les centrales hydro-électriques.

Mais cette relation a été fortement polluée par les occidentaux qui ont vu en la Chine, une sorte de menace à leur gibier qu’ils déchiquetaient depuis 5 siècles. Alors s’est mise sur pied une narration visant à éloigner les africains de la Chine. Le drame est que cela a plutôt très bien marché et ce sont les bénéficiaires africains de cette générosité chinoise qui se sont mis à alimenter la cabale contre la Chine.

Et comme il fallait s’y attendre, la Chine a réagi de la manière la plus logique possible en fermant tout simplement le robinet d’argent.

Pour qu’il y ait mariage, il faut que tous les deux époux y trouvent leur compte. Et pour l’instant, la Chine ne trouve pas son compte dans ses relations avec l’Afrique et limite le robinet d’argent.

Pendant longtemps, j’ai été taxé d’être un espion de la Chine, parce que je m’évertuais inutilement à alerter les dirigeants africains du fait qu’ils ne démontraient pas suffisamment de comprendre l’importance vitale que représentait la main tendue et désintéressée de la Chine.

Mes propos étaient rendus inaudibles par la campagne d’intoxication de l’Occident contre les investissements chinois en Afrique qui visait les dirigeants, mais aussi et surtout, les populations africaines qui ont fini par croire que la Chine qui était le seul pays qui a pendant 22 ans, contribué significativement à la croissance du PIB du continent africain mieux que quiconque dans toute l’histoire du continent, était l’ennemi à abattre ou tout au moins, à éviter, à éloigner le plus loin possible.

Ils étaient tous bombardés par de la propagande en provenance de l’occident, afin que l’Afrique se méfie de la Chine, dépeinte comme avide de matières premières et d’envie de coloniser l’Afrique. Et pourtant, comme nous allons le voir ci-dessous, avec les exemples des techniques de manipulation et de désinformation utilisées par la radio publique britannique, BBC, toute cette cabale était basée sur des fausses informations savamment distillées par les radios occidentales : RFI, BBC, VOA qui émettent en Modulation de Fréquence (FM), pour inonder directement le peuple des métropoles africaines.

QU’EST-CE QUI JUSTIFIE CE DÉSAMOUR DE LA CHINE FACE A L’AFRIQUE ?

La visite du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine en Mongolie, avant-hier le 3 septembre 2024, est un symbole très fort de la distance qu’il y a entre la vie réelle et la perception des dirigeants africains.

Un an plus tôt, le 15ème sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se tient du 22 au 24 août 2023 à Johannesburg en Afrique du Sud, sans la présence de Vladimir Poutine.

La raison invoquée était qu’il était inculpé par la Cour Pénale Internationale, à cause de la guerre en Ukraine. Et comme l’Afrique du Sud était membre de la CPI, elle avait l’obligation d’arrêter Poutine s’il venait en Afrique du Sud.

C’est pour cette raison qu’il a été obligé d’assister au sommet par vidéo-conférence.

Un an après, la Mongolie fait l’exact contraire de l’Afrique du Sud, c’est le président Mongol qui invite Poutine à venir célébrer les 85 ans de la victoire du pays sur le Japon avec l’aide de l’Union Soviétique. Et tout s’est bien passé.

Altantuya Batdorj, directrice de l’ONG, Amnesty International Mongolie, avait déclaré la veille, le 2 septembre 2024 ceci :

« S’il voyage, les obligations de la Mongolie au regard du droit international sont claires, en sa qualité d’État membre de la Cour pénale internationale (CPI). Les autorités de Mongolie doivent arrêter le président Poutine et le remettre à la CPI afin qu’il réponde d’accusations de crimes de guerre. »

« Le président Poutine est un fugitif recherché par la justice. Tout séjour dans un État membre de la CPI qui ne se termine pas par une arrestation encouragera la ligne de conduite actuelle du président Poutine et doit être considéré comme faisant partie d’un effort stratégique visant à saper le travail effectué par la CPI pour poursuivre les criminels de guerre présumés. Si les autorités mongoles s’abstiennent de l’arrêter, elles n’auront fait que prêter assistance à un homme qui est accusé par la CPI d’être responsable du crime de guerre de déportation illégale d’enfants, mais qui est également potentiellement responsable d’une pléthore d’autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans un conflit qui a brisé la vie de millions de personnes et détruit les espoirs et les aspirations d’une génération ».

Source : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/09/mongolia-putin-must-be-arrested-and-surrendered-to-the-international-criminal-court/

Cette différence de traitement envers le président Vladimir Poutine entre un petit pays asiatique réellement indépendant de l’Occident comme la Mongolie et un grand pays africain, comme l’Afrique du Sud est le cœur même du désamour entre la Chine et l’Afrique.

Pour montrer qu’en Afrique du Sud, ce sont les Occidentaux qui ont la main sur tout et que même si la Politique est pour la Russie, le reste des décisions du pays est aux mains des occidentaux.

Et en juillet 2023, ce n’est même pas le juge d’un tribunal classique, mais c’est une chambre de la Cour Suprême sud-africaine qui ordonne l’arrestation de Vladimir Poutine s’il assiste au sommet du groupe BRICS.

Cette arrogance occidentale est une partie intégrante de la diplomatie africaine. Tout ce que font les africains avec la Chine doit au préalable être approuvé par l’occident.

En République Démocratique du Congo, c’est le Congo qui supplie la Chine en 2008 de venir la sauver de la prédation des entreprises minières occidentales.

Les deux pays se mettent d’accord sur un contrat minier de 9 milliards de dollars, avec les infrastructures, mais comme il faut que ce soit approuvé par les occidentaux, le FMI retouche l’accord et le ramène à 6 milliards de dollars en y enlevant les infrastructures.

En mars 2023, Emmanuel Macron se rend à Kinshasa avec les fonctionnaires de l’Union Européenne qui signent un mémorandum sur les mines congolaises jusqu’en 2050.

Dès le lendemain, la Chine était devenue la pire chose sur la terre qui a trompé les gentils congolais. Le président congolais veut tout renégocier avec la Chine.

Question : Que reproche l’Occident à la Chine ?

Réponse : De proposer aux pays africains un contrat minier Swap.

Le mot Swap ne dit rien aux africains, mais c’était pourtant le tournant que la Chine a apporté pour stopper la corruption des fonctionnaires et politiciens africains dans le secteur minier.

Swap veut dire échanger, faire le troc. Mine contre infrastructures. Donc, pas de passages d’argent et donc, pas de corruption.

Les contrats miniers Swap conclus entre la Chine et les pays africains, prévoient une correction périodique pour adapter les accords aux cours des marchés, avec des compensations.

Mais en réalité, cela ne convient aux politiciens africains que lorsqu’ils sont en début de mandat et qu’ils sont encore sincères avec l’envie de réaliser les promesses faites en campagne électorale.

Avec le temps, comme en RDC, ils comprennent très vite qu’ils vont passer leurs 5 ans au pouvoir sans extra à côté pour eux et leurs familles. Et là, déclenche dès le lendemain, une cabale anti-chinoise.

Le système des contrats miniers avec les privés occidentaux, permettent des passerelles, des trajectoires multiples pour des fonds cachés en Occident ou dans les paradis fiscaux.

La récente affaire de corruption des dirigeants de certains pays africains reconnues par Glencore devant un tribunal de New York en 2022, est un exemple d’une pratique plus courante qu’on ne l’imagine.

En RDC, le coup d’envoi de l’accélération de la croisade de Felix Tshissekedi contre la Chine est donné dès le mois de février 2023 avec l’inspection des finances du Congo qui demande 20 milliards aux entreprises minières chinoises.

Il faut rappeler qu’en 2007, la République Démocratique du Congo est prise en otage par ses nombreux créanciers occidentaux qui avaient donné l’argent sans compter d’abord à Mobutu et ensuite à Désiré Kabila (père), qui avait offert des mines pour avoir l’argent pour faire la guerre qui l’a porté depuis la frontière rwandaise, jusqu’à Kinshasa où il a renversé Mobutu.

Une fois devenu président, tous ceux qui avaient donné l’argent pour financer sa milice et son aventure victorieuse sont passés à la caisse et comme il n’avait pas d’argent pour les pays, il a bradé ce qui restait des mines encore disponibles.

L’accord avec le FMI (dernier payeur quand plus personne ne veut vous prêter) avait ainsi permis de brader les mines congolaises à des sociétés prédatrices occidentales qui ne reversaient à l’état congolais rien du tout.

C’est contre ce désordre et contre cette spoliation organique que Kabila (le fils), demande l’aide de la Chine en 2007. Mais le FMI qui parle au nom des créanciers, s’oppose aux termes du “Contrat du siècle”.

C’est dans ces conditions que la Chine est appelée à la rescousse pour aider le Congo à reprendre la main sur ses mines.

Mais avant de vous donner les 8 principales séquences chronologiques de cette croisade anti-chinoise du président de la RDC aec ses amis européens, revenons aux origines du contrat dit du siècle.

Nous allons nous servir d’un mensuel français des plus célèbres, Le Monde Diplomatique de février 2011, dans une analyse intitulée :

“Quand le fleuve Congo illuminera l’Afrique : Le « contrat du siècle »”

Tristan Coloma nous explique dans cette analyse que depuis 10 ans, la Chine avait choisi de faire de la République Démocratique du Congo, sa vitrine africaine, le pays où elle avait décidé d’y investir plus d’argent. Mais les occidentaux ont pris peur, car si la RDC devient un pays riche grâce à la Chine, ç’en sera fini pour les Européens en Afrique.

Tout est donc fait pour bloquer ce que tout le monde avait nommé : « Le contrat du Siècle ». Les Occidentaux, vont surtout se servir du Font Monétaire International (FMI) pour mettre un stop au projet ou tout au moins pour le vider complètement et ce que nous avons aujourd’hui n’est que la coquille de ce que la Chine avait proposé en 2007 et accepté avec grand enthousiasme par les dirigeants congolais de l’époque.

En d’autres mots, quand le président Félix Tshisekedi dit qu’il veut renégocier le contrat, parce que son prédécesseur a été trompé, il ment et il sait qu’il ment.

Mais son discours fait partie d’une narration que la France et l’Union Européenne ont préparée pour lui et qu’il se contente de réciter, puisque ce contrat dont il parle est le résultat de ce que le FMI avait voulu et non ce que la Chine avait proposé.

Revenons au Monde Diplomatique de février 2011.

Tristan Coloma écrit :

“Depuis dix ans, la politique de la Chine en Afrique n’a suivi que deux objectifs stratégiques : obtenir un accès à long terme aux abondantes ressources qui s’y trouvent — le pétrole et les minéraux en particulier — et obtenir le soutien des pays africains sur la scène mondiale. Signé entre la République démocratique du Congo et la République populaire de Chine, le « contrat du siècle » illustre l’implication économique croissante de l’Empire du Milieu sur le Continent noir.”

En d’autres mots, ce que cherchait la Chine avec ce fameux « Contrat du Siècle » n’était nullement de trouver des matières premières comme le cobalt ou le cuivre qu’elle a déjà abondamment ailleurs ou des substituts (le lithium), même moins cher, mais essentiellement une opération de charme de la Chine vers les pays africains qui vont en retour lui donner leur soutien sur la scène mondiale.

Mais qu’est-ce qu’il y avait de si important dans ce contrat pour être qualifié comme le « Contrat du Siècle » et servir de vitrine en Afrique pour un pays comme la Chine ?

Tristan Coloma répond à cette question dans son analyse :

“Ce programme comporte deux initiatives importantes et liées entre elles. La première, qui remonte au 17 septembre 2007, prévoit l’octroi d’un prêt de la banque chinoise EXIM Bank d’un montant de 8,5 milliards de dollars. L’accord prévoyait l’octroi d’un prêt de deux milliards de dollars lié à la modernisation de l’appareil de production minière (En 2007, toutes les mines congolaises sont vieillissantes). De plus, deux entreprises chinoises, la Sinohydro et la CREC (China Railway Engineering) devaient réaliser des travaux d’infrastructures – 3500 km de routes, autant (3500) de kilomètres de chemins de fer, des infrastructures de voiries surtout à Kinshasa, 31 hôpitaux de 150 lits et 145 centres de santé – pour une valeur estimée à 6,5 milliards de dollars. Ce prêt, dont le but était de promouvoir l’exploitation du secteur minier, a été complété, au début de 2008, par un prêt additionnel de 5 milliards de dollars. Ensemble, ces prêts ont été titrisés en donnant à la Chine accès aux 14 milliards de dollars de réserves de cuivre et de cobalt. Cette aide a été liée à un programme d’investissement consistant à confier l’exploitation de ces ressources à la Socomine, appartenant à des sociétés d’État chinoises (68 %) et congolaises (32 %).”

Question : Et pourquoi tout cela ne s’est pas réalisé ?

Tristan Coloma répond :

“Au début de 2009, le FMI a tenté de bloquer cet investissement, faisant valoir que la RDC ne pouvait pas conclure de nouvel arrangement avec un créancier préférentiel privilégié alors qu’elle doit encore à des créanciers de l’Ouest 11,5 milliards de dollars. Le gouvernement de la RDC et les investisseurs chinois ont cependant réaffirmé, en mars 2009, leur détermination à réaliser ce grand investissement. Cependant, le « contrat du siècle » a été réévalué. Dorénavant, seuls 3 milliards de dollars sont octroyés au secteur minier et 6 milliards pour le domaine des infrastructures. Ce qui en fait toujours le plus grand contrat de coopération et de partenariat économique bilatérale de la Chine en Afrique.”

En d’autres mots : Le « Contrat du Siècle » était un bon deal pour les congolais et les chinois, mais pas pour les occidentaux. Raison invoquée : La RDC a une dette de 11,5 milliards de dollars avec les occidentaux et ne peut donc pas librement se lancer dans un accord d’envergure avec la Chine. Tous les créanciers occidentaux veulent avant tout encaisser leurs 11,5 milliards de dollars, avant de laisser le Congo libre de traiter avec la Chine.

Un accord sera trouvé avec le FMI : réduire l’ampleur du projet en y enlevant par exemple, tout le volet des infrastructures.

Il n’y a jamais eu de débat dans aucun pays africain sur ce bras de fer entre les occidentaux d’un côté représenté par le FMI et deux pays, la Chine et le Congo qui ne peuvent pas être libre de faire ce qu’ils veulent de leurs relations bilatérales.

Ils ont mal fait. Parce qu’en réalité dans ce conflit se jouait sur le plan idéologique le vrai bras de fer entre un système classique du commerce international où l’Afrique était marginalisée et une nouvelle approche, celle de la Chine qui savait exactement à quel point les occidentaux avaient neutralisé le développement de l’Afrique.

Pour faire simple, dans le système de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) il existe des règles précises pour les investissements internationaux entre les pays possesseurs de capitaux et les pays en manque de capitaux.

Le paradoxe est que si un pays qui a les capitaux investit trop dans un pays sans capitaux, cela nuit aux échanges internationaux. Parce que le pays sans capitaux qui était obligé d’aller cultiver le café ou le café afin de trouver des devises pour acheter à d’autres pays, ne sentiront plus le besoin de le faire.

Robert Alexander Mundell, était un économiste canadien né le 24 octobre 1932 à Kingston en Ontario au Canada et mort à 89 ans, le 4 avril 2021, à Sienne, en Toscane, en Italie.

Mundell a fait ses études d’économie à l’université canadienne de la Colombie-Britannique, puis à l’université de Washington, et enfin à la prestigieuse London School of Economics, à Londres aux Royaume Uni.

En 1957, R.A. Mundell, est l’un des premiers économistes à théoriser sur les perdants et les gagnants des échanges internationaux entre les états.

Dans le livre intitulé « International Trade and Factor Mobility », publié par la revue économique : American Economic Review, vol. XLVII, n°3, de juin 1957, il nous explique que les échanges internationaux sont surtout dus aux « différences d’abondances relatives des facteurs ».

Pour Mundel, « Si les pays échangent des produits, c’est parce que, initialement, les facteurs de production sont immobiles. À l’inverse, si les facteurs sont mobiles internationalement (en particulier le capital) et le commerce des produits fortement limité par des obstacles tarifaires ou par des coûts de transport élevés (conditions de l’IDE horizontal), les Investissements Directs Etrangers (IDE) apparaissent comme des substituts au commerce de marchandises ».

Car « La rémunération du capital étant plus élevée dans le pays qui est le moins bien doté en capital, il s’opère un mouvement de capitaux du pays qui en détient relativement le plus vers celui où il est rare. Ce dernier va alors produire davantage de biens intensifs en capital, biens qu’il importait auparavant ».

En d’autres mots, si un pays africain comme la République Démocratique du Congo a moins de capitaux, ce pays est obligé d’importer l’essentiel de ce qu’il consomme et cela va faire vivre le commerce international.

Mais si tout d’un coup, une Nation comme la Chine débarque et investit massivement les capitaux au Congo, cela va drastiquement changer la nature même du pays et surtout, la qualité de ses échanges avec ses anciens fournisseurs surtout en Europe.

C’est justement ce que recherche la Chine, car ce qu’elle n’ose avouer est qu’en coupant les pays africains de la prédation européenne, elle fragilise surtout les européens, qui sont ses vrais concurrents contre qui elle se bat sur le terrain de la guerre économique, notamment des véhicules électriques et bien d’autres produits à haute valeur ajoutée technologique. Ce que n’avait pas prévu l’Occident en acceptant la Chine dans l’OMC.

Et bien entendu, cette Europe ne va pas rester les bras croisés. Puisque même si le « contrat du siècle » a été vidé de sa substance par le FMI, l’Europe sait que les chinois et les congolais peuvent toujours trouver discrètement un compromis pour contourner les obstacles.

Alors, l’Europe prend les devants, avec une campagne massive de dénigrement contre la Chine aux africains même et ça marche. Si on fait aujourd’hui un sondage en Afrique, je suis convaincu que la République Démocratique du Congo serait le pays où les africains détestent le plus la Chine.

Et pour cause.

En 2021, c’est la radio publique française, Radio France Internationale (RFI) avec son journaliste camerounais Alain Foka qui ouvre la danse, avec un reportage intitulé « En finir avec la traite négrière en Afrique », et diffusé sur YouTube, le journaliste camerounais développe la narration désormais décidée par Paris de diabolisation à outrance de la Chine, jusqu’à l’impensable de la banalisation du plus grand drame de toute l’histoire du continent africain : la traite négrière.

Le plus grand chouchou congolais de l’occident, le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, interrogé dans le documentaire d’Alain Foka, où il définit l’œuvre de la Chine dans les mines au Congo comme « une forme d’esclavage ». Imaginez un seul instant si les Juifs qualifiait toute discrimination qu’ils subissent comme de la Shoa. Ce serait directement vu comme une insulte à toutes les 6 millions de victimes de cette tragédie durant la deuxième guerre mondiale.

Mais s’il s’agit de mal parler de la Chine, ce n’est pas un problème. Les africains sont autorisés à librement insulter la mémoire des millions de victimes de la traite négrière sans gêne. Cela permet peut-être à l’Occident de ne pas payer ce crime aux africains, puisque de toutes les façons, ce sont les africains eux-mêmes qui disent que la Chine fait la même chose.

D’habitude, les autorités chinoises ne réagissent jamais à la campagne de dénigrement de l’occident contre la Chine. Mais cette fois-là, c’en était trop.

Le 2 septembre 2021, l’ambassadeur de Chine à Kinshasa fait un communiqué dans lequel il parle du documentaire de RFI : « les enquêtes doivent être menées en respectant les faits, mais aussi, il faut résister à la diffamation, à la xénophobie et aux incitations à la haine ».
Source : https://afrique.lalibre.be/63388/mines-au-congo-la-chine-reagit-a-un-documentaire-accusateur/

Ce que l’ambassadeur ne sait pas en ce moment-là, c’est que ce n’est que le début d’une longue campagne de désinformation, comme une stratégie pour neutraliser la Chine dans toute l’Afrique, à commencer par le Congo.

Et voici l’épilogue en 8 séquences chronologiques différentes de cette campagne :

1) Le 17 février 2023 : l’Inspection générale congolaise des finances réclame 20 milliards de dollars aux entreprises chinoises installées en RDC

L’hebdomadaire français, Jeune Afrique écrit :

« Dans une partie encore confidentielle de l’audit remis au président Félix Tshisekedi, Jules Alingete Key, le patron de l’Inspection générale des finances, détaille les exigences de l’institution pour rétablir l’équité entre les intérêts congolais et chinois.
Source : https://www.jeuneafrique.com/1418943/economie-entreprises/contrat-du-siecle-en-rdc-ligf-reclame-20-milliards-de-dollars-aux-entreprises-chinoises/

En réalité, ces 20 milliards de dollars ne sont qu’un prétexte pour arracher le contrat minier à la Chine. Apparemment, ni le président Tshisekei, ni l’Inspection générale des finances du Congo n’ont bien lu ce contrat minier de 2008, qui stipule à son article 6 du contrat qui accorde aux entreprises chinoises du secteur minier en RDC :
« L’exonération totale de tous les impôts, droits, taxes, douanes, redevances directs ou indirects, à l’intérieur ou à l’import et l’export, payables en RDC. »

2) Samedi le 4 mars 2023 : Emmanuel Macron, se rend à Kinshasa pour les minerais rares congolais, comme le Cobalt. On apprendra ainsi que le fameux rapport confidentiel remis par l’Inspection générale des finances du Congo demandant 20 milliards de dollars aux entreprises minières chinoises en RDC était réalisé avec la collaboration des experts français. A partir de maintenant, tout va complètement changer entre la RDC et la Chine qui va devenir la pire des partenaires du Congo.

3) Jeudi le 9 Mars 2023, la République Démocratique du Congo remplace la Chine par l’Union Européenne pour l’exploitation de ses mines.

Voici la dépêche de l’Agence France Presse (AFP) sur le communiqué de Bruxelles :


“La RDC et l’UE s’engagent à lancer un partenariat sur l’exploitation de minerais rares et stratégiques”

La République démocratique du Congo et l’Union européenne, s’engagent à lancer des négociations pour un partenariat sur l’exploitation de minerais rares et stratégiques dont le cuivre et le cobalt. Un protocole d’entente dit gagnant-gagnant et une feuille de route sont annoncés pour les mois à venir autour des projets de coopération et d’investissements dans ce secteur.

Afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, l’UE entame un virage dit historique dans sa production industrielle et veut renforcer sa politique d’approvisionnement en minéraux rares et stratégiques. L’UE veut aussi réduire sa dépendance vis-à-vis de certains pays comme la Chine, où ces minerais sont actuellement transformés, expliquent des sources de l’UE.

Ce partenariat pourrait-il rejoindre l’ambition de la RDC, de développer une chaîne de valeur locale et un marché autour de l’industrie des batteries, des véhicules électriques et des énergies renouvelables? Selon Jutta Urpilainen, commissaire européenne aux Partenariats internationaux : « Nous voulons créer de la valeur en RDC, de la valeur ajoutée locale. Non seulement exporter vos matières premières en Finlande, en Europe et ensuite les raffiner en Europe. » A l’en croire, l’approche sera différente de celle proposée par d’autres partenaires de la RDC « Nous ne voulons pas créer de dépendance, nous ne voulons pas non plus du néocolonialisme.

Nous voulons vraiment créer une valeur locale et nous voulons créer un partenariat gagnant-gagnant. »

Selon l’ambassadeur de l’UE en poste à Kinshasa, l’avantage pour la RDC est également de bénéficier d’un appui possible à la production d’une énergie verte pour ses industries.

Source : https://congointer.info/2023/03/09/la-rdc-et-lue-sengagent-pour-un-partenariat-sur-lexploitation-de-minerais-rares-et-strategiques/

4) vendredi le 10 mars 2023 : la présidence de la république du Congo Démocratique durcit le ton contre la Chine. Félix Tshissekedi utilise le rapport de l’inspection des finances pour par de de « Colonisation Economique » de la Chine sur la République Démocratique du Congo.

Jeune Afrique titre :

Contrat du siècle RDC-Chine : les dessous d’un accord de « colonisation économique »

Sous-titre : Du cobalt et du cuivre en échange d’investissements dans les infrastructures. Quinze ans après la signature de l’accord entre la RDC et des entreprises minières chinoises, la promesse n’a pas été tenue. Décryptage en infographies.
Source : https://www.jeuneafrique.com/1424462/economie-entreprises/contrat-du-siecle-en-rdc-chine-les-dessous-dun-accord-de-colonisation-economique/

5) Le 24/05/2023 C’est le premier voyage officiel en Chine, du président Félix Tshisekedi. A Pékin, il rencontre son homologue Xi Jinping, avec un seul sujet à l’ordre du jour : faire partir les entreprises publiques chinoises du Congo, pour passer l’exploitation des mines rares et stratégiques du Congo à l’Union Européenne, qui vient de lancer son projet des batteries électriques.
Officiellement, le chef de l’État congolais parle plutôt de « rééquilibrage de l’accord conclu en 2008 entre la société minière nationale congolaise Gécamines et le Groupement d’entreprises chinoises (GEC) ».
Source : https://www.jeuneafrique.com/1447353/politique/comment-tshisekedi-veut-renegocier-en-chine-le-contrat-du-siecle/

A la surprise générale, le président chinois dit oui à tout ce que lui demande le président congolais. Sauf que lorsque la Chine te dit oui, sur tout, c’est la preuve que ce n’est pas bon du tout. Cela veut dire qu’elle arrête d’investir dans ton pays, pour des nouveaux projets, se limitant aux projets concordés dans le passé.

La télévision publique française France 24, jubile et titre :

« Le président congolais Félix Tshisekedi réalise une visite en Chine pour renégocier le “contrat du siècle”. »
Source : https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-%C3%A9co/20230525-le-pr%C3%A9sident-congolais-f%C3%A9lix-tshisekedi-r%C3%A9alise-une-visite-en-chine-pour-ren%C3%A9gocier-le-contrat-du-si%C3%A8cle

6) Le 7 juillet 2023 : Les Etats-Unis entrent dans la danse et veulent leur part du gâteau congolais.

Jeune Afrique titre :

« Cobalt en RDC : les dessous de la rivalité entre les États-Unis et la Chine »

Sous-titre :
Transition énergétique oblige, les métaux rares, cobalt en tête, sont désormais stratégiques. La RDC, qui en regorge, est au cœur de la bataille que se livrent Washington et Pékin autour des richesses du sous-sol congolais. Décryptage en infographies.

« Le Parti communiste chinois exploite les vastes ressources en cobalt de la RDC pour alimenter son économie, sur le dos d’ouvriers exploités et en faisant travailler des enfants ». C’est sans mâcher ses mots que le républicain Chris Smith a introduit, fin juin, à la Chambre des Représentants américaine, une mesure visant à interdire l’importation de cobalt et de lithium congolais issus du travail des enfants et d’autres formes d’abus.
Source : https://www.jeuneafrique.com/1461338/economie-entreprises/lithium-et-cobalt-en-rdc-les-dessous-de-la-rivalite-entre-les-etats-unis-et-la-chine/

EN 2024

7) Jeudi le 14/03/2024 : Correction du contrat minier avec la chine de 7 milliards de dollars au lieu de 3,5 précédemment prévu.
La radio Congolaise Radio Okapi titre :

“Contrat minier chinois : signature de l’avenant de 7 milliards USD entre la RDC et le GEC”

Le président Félix Tshisekedi préside, à Kinshasa, la cérémonie de signature du contrat minier renégocié avec le Groupement des entreprises chinoises (GEC), augmentant l’investissement dans les infrastructures de 3,2 à 7 milliards de dollars.

« Cela représente la construction de plus au moins 5000 Km des routes », a précisé Alexis Gisaro, ministre d’Etat, ministre des Infrastructures et Travaux publics, rapporte une dépêche de la Cellule de communication de présidence de la République.
Cet avenant consacre aussi la participation de la RDC dans le capital de SICOHYDRO de Busanga(60% GEC et 40% RDC).
C’est la ratification du cinquième avenant au contrat minier entre la RDC et le Groupement des entreprises chinoises (GEC), initialement signé en avril 2008.
Source : https://www.radiookapi.net/2024/03/15/actualite/economie/contrat-minier-chinois-signature-de-lavenant-de-7-milliards-usd-entre

8 ) Le 30 avril 2024 – Le président congolais Félix Tshisekedi se rend en France à l’Elysée où il rencontre Emmanuel Macron. Il n’est plus seulement question des minerais rares et stratégiques du Congo, mais de tout ce qui se trouver dans le sous-sol du Congo : cartographier toutes ses ressources minières !

Lors d’un point de presse conjoint avec son homologue congolais Félix Tshisekedi à Paris, au palais de l’Elysee, Emmanuel Macron déclare :

« La France est prête à soutenir la RDC pour cartographier toutes ses ressources minières. Elle veut travailler ensemble avec le gouvernement congolais pour mettre en place une plateforme et un mécanisme pour la traçabilité de tous les minerais. La France soutient ce mécanisme qui permet de lutter efficacement contre le trafic de tous les minéraux critiques ».
Source : https://mines.cd/macron-la-france-est-prete-a-soutenir-la-rdc-pour-cartographier-toutes-ses-ressources-minieres/

Cette histoire en 8 étapes ne serait pas complète si nous ne revenons pas en arrière de 14 ans, en 2008, pour comprendre une autre vérité cachée du feuilleton.

Les 11,5 milliards de dollars de dettes congolaises dont parle le FMI sont toutes des dettes à taux variables, comme c’est le cas avec tous les créanciers en Occident. Et ce qui détermine le taux de chaque pays est la note que les agences américaines de notation attribuent à chaque pays sur la base de son exposition à l’endettement.

Le FMI contestait au « contrat du siècle » le fait que la Chine était en train de prêter trop d’argent au Congo, sans aucune garantie réelle et pire encore, et surtout, en ne faisant pas résulter que c’était de l’argent prêté au Congo, cet argent n’entrait pas en compte du degré d’endettement du pays. Ce qui était comment rendre vierge la page de dette du Congo, lui laissant les mains libres pour emprunter à des taux plus bas ou de rembourser ses dettes sans grande conséquence sur les taux.

Mais apparemment, pour le président du Congo, Félix Tshisekedi, la Chine a mal fait de proposer du Swap en lieu et place du prêt.

Le contrat stipulait même que :

« Ce sont les bénéfices futurs de la Socomine, la joint-venture minière, qui seront utilisés pour rembourser les travaux d’infrastructures. Une fois la dette effacée, le résultat sera partagé selon les parts de chaque contractant dans la joint-venture (2/3 pour la Chine, 1/3 pour la partie congolaise) ».

Donc, pas de dettes futures pour le Congo et surtout sans influence sur la situation financière du pays.

COMMENT MARCHE LA DÉSINFORMATION DE L’OCCIDENT CONTRE LA CHINE ?

Jean-Paul Pougala

Jeudi le 5 Septembre 2024

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