Assemblée Nationale, France
Audition du 19 avril 2019
(Adjovi, Sètondji Roland)
J’ai été auditionné le 10 janvier 2018 à l’Assemblée Nationale dans le cadre de l’Avis
38/2013 sur la détention arbitraire du Français Michel Thierry Atangana au
Cameroun.
Cette visite fut la toute première depuis la création du Groupe de Travail sur la
Détention Arbitraire des Nations Unies en 1991.
Lors de cette audition, j’ai expliqué la responsabilité de la France face à l’Avis
38/2013 vis-à-vis du droit international en trois points :
L’obligation d’assistance consulaire ;
L’obligation de protection des Français à l’étranger (cf. Affaire Ahmadou Sadio
Diallo, République de Guinée c. République démocratique du Congo) ; et
L’obligation découlant de la résolution 5/2 de 2007 du Conseil des Droits de
l’Homme sur l’accompagnement de la mise en œuvre des décisions émises par
les procédures spéciales.
J’ai également souligné ce qui suit :
La France entretient une relation historique exceptionnelle avec le Groupe de
Travail sur la Détention Arbitraire, avec le rôle central qu’y a joué le magistrat
Français Louis Joinet et la proposition conjointe avec les États-Unis
d’Amérique et le Pérou pour cette création en 1991 ; et depuis lors, la
résolution qui renouvèle le mandat du Groupe est toujours proposé par la
France ;
La France soutient le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire avec une
dotation financière qu’elle lui alloue chaque année ;
La France jouit d’un statut particulier à l’ONU en tant que membre du Conseil
de Sécurité ;
Il n’est pas dans l’intérêt de la France que la perception négative de racisme
d’État qu’ont pu transcrire des médias étrangers persiste ;
La France a manqué à certaines de ses obligations dans l’affaire Michel Thierry
Atangana ; et
Enfin, le Président Macron prône un multilatéralisme qu’il faut traduire dans la
réalité.
Pour toutes ces raisons, il m’était paru urgent que la France se mette enfin en
conformité avec le droit international et exerce son devoir moral d’exemplarité. Et
j’avais terminé mon propos par ces mots : « Une action diplomatique d’envergure de
la France dans ce dossier s’inscrirait dans le multilatéralisme tout en confortant la
perception d’un État qui protège tous ses citoyens. Les trois millions de Français à
l’étranger et les investisseurs Français ne pourraient que se réjouir d’un tel message,
non pas seulement dans les propos mais ici dans l’action. »
J’avais également, dans le cadre du plaidoyer spécifique de M. Atangana et pour une
mise en œuvre de l’Avis 38/2013 suggéré
L’adoption d’un Avis déclaratif ;
Une audition du GTDA ; et
Un soutien actif de l’Exécutif dans ses démarches pour rétablir M. Atangana
dans ses droits.
Je reviens aujourd’hui à l’Assemblée Nationale plus d’un an plus tard pour constater
des progrès infimes.
Certes, après plus de 4 ans de démarches, le Quai d’Orsay reconnaît à M. Atangana le
droit à une réhabilitation intégrale, et implicitement la responsabilité de l’État
français dans cette quête.
Cependant, je rappelle que M. Atangana, victime des plus graves violations des droits
humains, après 17 années de détention dans des conditions inhumaines et 5 années à
se battre pour la simple reconnaissance d’une décision de justice dont la valeur
juridique est nourrie par les déclarations officielles de l’État français à chaque
candidature au Conseil des droits de l’homme, n’est toujours pas libre. 22 ans de
calvaire. Il est grand temps d’y mettre un terme.
A l’âge de 50 ans, cet homme est rentré dans son pays après 17 longues années de
torture, avec l’espoir de se reconstruire. Avec une santé dégradée, après avoir été
abandonné par son pays, après avoir perdu honneur, famille et travail, il était décidé à
rester debout. Le constat est scandaleux : aujourd’hui encore, ses comptes sont
bloqués, il vit encore de la solidarité, il se bat encore pour ses droits et trouve, malgré
tout, les ressources pour nous accompagner dans la mise en place de mécanismes de
protection de ses compatriotes exposés à des situations similaires. Je veux parler de
la procédure de suivi que le Groupe de travail a mis en place, et de l’influence que M.
Atangana a eu dans cette évolution de notre mode de travail.
Après avoir subi de tels affronts, après avoir été abandonné, après avoir été spolié,
après avoir vu ses droits bafoués, après avoir vu ses droits contestés, après avoir
trouvé portes closes, qui peut rester calme ? Depuis le 17 novembre dernier, tous les
samedis, des Français dénoncent dans les rues les injustices qu’ils pensent subir,
défiant l’Exécutif. Pourquoi Michel Thierry Atangana, qui continue à subir l’abus
devrait-il rester attaché à promouvoir la paix ?
L’attitude pacifique et constructive de M. Atangana, son travail constant pour le
rapprochement de deux Etats au travers de son combat, son souci de trouver une voie
d’apaisement, dans l’esprit de l’ONU, malgré des embuches insurmontables pour qui
aura connu un tel calvaire, forcent un sursaut, obligent à la responsabilité.
Si je suis aujourd’hui devant vous à encourager ces actes historiques que vous êtes
sur le point de poser avec l’Avis déclaratif et la Loi Atangana, c’est parce qu’en 2014,
une victime de détention, la première en 24 ans d’existence de notre instance à être
revenu au Groupe de travail après sa libération pour l’accompagner, un homme seul
face à un Etat, a décidé de se battre pour la justice et ses droits.
Je suis venu vous donner les éléments juridiques dont vous avez besoin pour la
restitution des droits de votre compatriote, pour la protection des Français et des
Européens en mobilité internationale. Si vous le faites, vous participerez au
renforcement des capacités du Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire, création
française je le rappelle.
D’abord il faut appliquer l’Avis 38/2013.
Sur ce point, il y a ici une convergence d’intérêts : la France, le Cameroun, l’Europe et
l’ONU.
J’ai suggéré lors de mon dernier passage à l’assemblée Nationale une intervention
diplomatique d’envergure.
Le Cameroun, depuis 2016, a émis le souhait d’œuvrer pour un règlement définitif de
cette affaire et a évalué le montant des préjudices.
En France, le statut de victime de M. Atangana n’a toujours pas été déclaré.
Depuis 2018, l’Ambassadeur de France à Yaoundé a été reçu par le Président Biya
plusieurs fois pour de longs entretiens…A suivre dans la seconde partie