*Après son tête à tête avec le Chef de l’Etat Patrice Talon hier : l’ancien Président Nicephore Soglo Communique*
Cotonou, le 21 mars 2019
Béninoises, béninois,
Chers compatriotes,
J’ai pris à la conférence nationale souveraine de février 1990, où notre pays était dans le chaos et au bord de la guerre civile, l’engagement que je ne mentirai jamais à la nation béninoise ; car je prends notre peuple pour un peuple d’adultes majeurs et responsables.
J’ai aussi prêté, dans ce pays, mon unique serment de Président de la République entre la vie et la mort, après un court et dramatique séjour à l’hôpital du Val-de-Grace à Paris. Les plus anciens s’en souviennent.
Je crois donc être assez bien placé pour dire qu’il n’y a pas de compromis entre la dictature et la démocratie, quel qu’en soit la définition ou le contenu.
Aussi, faut-il être clair, ouvert et vigilant dans les solutions à la crise de la démocratie que connait en ce moment le Bénin. Et dire sans équivoque, qu’il n’y aura pas d’élection crédible et pacifique au Bénin que si tous les citoyens, riches ou pauvres y participent librement. Je suis personnellement prêt – je l’ai prouvé – à mourir, s’il le faut pour cela. Car, comme le dit un grand homme, on ne met sa vie en jeu que pour son propre pays.
Pour l’heure, il nous faut simplement et avec fierté, revenir aux lois démocratiques issues de la conférence des forces vives de la nation de février 1990 qui ont fait leur preuve. Elles sont depuis 1991, le socle de toutes les élections, notamment celle de 2016, qui a vu le succès du Président Patrice TALON chaleureusement félicité par le Premier Ministre Lionel ZINSOU son adversaire du second tour. Et ce geste a été un honneur pour notre pays.
La réforme du système partisan et du code électoral qui nous a conduit dans une dangereuse impasse doit être gelée et discutée après ces élections dans un climat apaisé et consensuel après un référendum ; c’est-à-dire une consultation de toute la nation comme en 1990. Et ce sera alors une victoire collective. Sinon, c’est la voix ouverte à l’incertitude, à la violence et qui sait (souvenons-nous de Kolwezi), à l’intervention étrangère. Et les exemples du Libéria et de la Sierra Léone des diamants du sang doivent hanter nos esprits. Et nous savons tous que le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu, absolument fou.
C’est ce qui a conduit, le philosophe français Montesquieu, dans son célèbre ouvrage : L’Esprit des lois, à recommander qu’ ‘’il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir’’. La nécessité en d’autres termes d’un contrôle, d’une séparation des pouvoirs. Et depuis la Grande Charte du 15 juin 1215 née de la révolte contre Jean Sans Terre, un roi anglais dégénéré, le Parlement, le censeur des gouvernants, ne peut être un paillasson, une télécommande, un mentor, encore moins, un arroseur arrosé.
La liste des pouvoirs dressés par Montesquieu comprenait : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. C’était notre crédo à la conférence nationale souveraine de février 1990, après dix-huit ans d’un régime militaire né dans le camp capitaliste et qui avait migré, un an plus tard dans le camp socialiste. C’était l’époque de la guerre froide.
Après l’écroulement du mur de Berlin, le pays fut mis sous perfusion du FMI et de la Banque Mondiale. Car, les universités et les écoles étaient fermées, les fonctionnaires n’étaient plus payés depuis environ 8 à 12 mois, les cas de mort, de prostitution, de suicide étaient devenus un spectacle quotidien. Sept mille fonctionnaires, avec les fameux départs volontaires, avaient été licenciés et la dette de l’Etat s’élevait à six cent milliards de francs non dévalués. Les statistiques sont là. Le Bénin se trouvait en situation de catastrophe, de déliquescence totale d’un Etat. Il n’y avait plus de banques ; les hôpitaux, les écoles, les routes, bref, toute l’infrastructure sociale et économique était en ruine.
Le souvenir de cette période de désespoir reste à jamais gravé dans la mémoire de tous les béninois. Aussi, la conférence nationale aboutit-elle à un feu d’artifice. N’avions-nous pas vaincu la fatalité ? À nous la liberté : séparation des pouvoirs, multipartisme intégrale après le parti unique, alternance, limitation à cinq ans renouvelable une fois de la durée du mandat présidentiel, liberté d’opinion et d’association, en un mot, l’état de droit.
Après un quart de siècle, le moment est peut-être venu de faire un bilan, réclamé d’ailleurs depuis longtemps. Mais faisons-le dans l’esprit de la conférence nationale souveraine de février 1990 qui avait permis à une nation divisée de retrouver son unité, sa vigueur et sa dignité et s’insérer harmonieusement dans le quadrilatère Nigéria, Dahomey, Togo, Ghana de la CEDEAO.
J’ai rencontré le Chef de l’Etat et comme disait le Président ZINSOU, le Bénin n’a pas fini d’étonner et de s’étonner. Au bout d’une longue discussion, le Président Patrice TALON est disposé à faire baisser la tension dans le pays et à renouer avec les acquis de la conférence nationale. Deux points majeurs méritent d’être soulignés :
1. Il mettra tout en œuvre, malgré les difficultés prévisibles, pour revenir aux lois qui ont permis son élection en 2016 sans qu’il soit besoin de toucher à la constitution de 1990.
2. Il est aussi disposé à examiner favorablement, et dans les meilleurs délais, la proposition de Monseigneur GANYE, d’une loi d’amnistie en faveur de nos compatriotes actuellement en exil.
C’est là, le résultat des médiations de la CEDEAO, des Nations Unies, des nombreuses ambassades, de toutes les composantes de la nation et naturellement, du dynamisme de l’opposition. Je souhaite pour ma part, qu’en cette période pascale, le Dieu des chrétiens, Allah, Mahou, les mânes de nos ancêtres, bénissent tous nos efforts et inspirent le Chef de l’Etat.
Bonne fête,
Vive le Bénin,
Vive la Démocratie,
Je vous remercie.
Le Président Nicéphore Dieudonné SOGLO.
Ancien Président de la République
Ancien Maire de la ville de Cotonou
Vice-Président du Forum des Anciens Chefs d’Etats et de Gouvernements d’Afrique,
Créé en 2006 à Maputo sous le haut patronage de Nelson MANDELA