De la fusion, en février 2023, de mouvements touareg et arabes : MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad), HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad), MAA (Mouvement arabe de l’Azawad), j’augure des lendemains martiaux. Le gouvernement du Mali et la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) pourraient être les belligérants.
La scission possible du territoire malien, la création éventuelle d’un nouvel État au cœur du pré carré – avec vraisemblablement la bénédiction de la France – s’annoncent au moment où la France est conspuée de toutes parts, au moment où elle perd pied, mais s’obstine à trouver ancrage dans quelques anciennes colonies qui n’ont pas fini de solder leur passé servile.
Elles s’annoncent au moment où une démarche souverainiste amène plusieurs pays de la région à rompre les chaînes du néocolonialisme français, au moment où un élan fédéral les pousse à s’associer pour protéger leurs vies et leurs biens.
Situation préoccupante pour le Mali , évidemment, mais aussi pour la sous-région, la région et le continent assurément, dans la mesure où elle porte en puissance la négation de l’intégrité territoriale et l’édification d’États sur des bases ethniques et/ou raciales.
L’Azawad pourrait être regardé si non comme la résurrection de l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes), au moins comme sa version nouvelle. Elle est née de la loi française du 10 janvier 1957, et abrogée par le décret français du 26 mai 1963. L’OCRS procède de l’expansionnisme colonial français du 20e siècle, l’Azawad conceptuel est une émanation de l’impérialisme français du 21e siècle. Hier avec l’OCRS, comme aujourd’hui avec l’Azawad, l’intention de la France est de faire main basse sur les richesses de la région.
Le territoire de l’OCRS devait être formé par des portions de terre prises à l’Algerie (Hoggar, Touât, Tindouf, etc), au Tchad (Borlkou, Tibesti, Ennedi), du Niger (Nord Tahoua, Agadez, Bilma), Mali (Régions sahariennes, Goumdam, Toumbouctou, Gao).
Déjà dans les années 50, les recherches minières avait prouvé l’existence de minerais de charbon, fer, gypse, phosphates, mirabilite, glauberite, uranium, cuivre, nickel, zinc, étain, manganèse, plomb, platine, or, diamant, lithium; d’immenses réserves de pétrole et de gaz naturel. On savait par ailleurs que sous le Sahara dormaient d’énormes quantités d’eau : mer de Savornin (50 milliards de m3, bassin de Kattara (3 milliards de m3).
À la découverte de ce trésor, mais surtout à l’idée de sa possession, le premier ministre français de l’époque, Maurice Bourgès-Maunoury parla de « miracle saharien ». Avec ces richesses accaparées, la France espérait se hisser au rang des grandes puissances du moment : USA et URSS.
C’est l’opposition déterminée des pays de la région qui fit échec au projet français.
Au Mali, la question s’est posée de manière virulente. En 1957, un chef touareg de la tribu des Kel Antessar résidant en Libye envoie une lettre à ses homologues maliens leur enjoignant de refuser toute cohabitation avec les Noirs dans un même État. En 1958, lors de la visiter du gouverneur général des colonies au Soudan, Pierre Messmer (futur premier ministre de Georges Pompidou), le chef de tribu des Antessar revendique l’indépendance de la région et la création d’une République avec la bienveillance de l’administrateur des colonies de l’AOF. De 1962 à 1964, un conflit armé oppose le gouvernement de Modibo Keita aux Touareg de l’Adrar des Iforrhas. L’Algerie et le Maroc interviennent aux côtés du gouvernement malien.
Au Niger, le gouvernement sawaba de Djibo Bakary déclare en 1957 : « Le Niger ne souscrira jamais à une décision qui aurait pour conséquence un découpage politique et administratif au détriment de notre pays »
En septembre 1975, au congrès du RDA, à Bamako, les délégations du Tchad, du Mali et du Niger font voter une Motion de protestation pour rejeter « toutes tentatives de territorialisation des zones soumises au régime de l’OCRS » et « toutes mesures tendant à opérer une ségrégation entre populations nomades et sédentaires ».
Au sujet du projet français avorté de création d’un État, le Gripci (Groupe de recherche sur interventions de paix dans les conflits intra-étatiques, Chaire Raoul Dandurand, Université du Québec à Montréal, 2002), souligne que « l’astuce consistait à faire miroiter aux yeux des ethnies blanches la promesse de ne pas subir le commandement des ethnies noires »
Plus d’un demi-siècle sépare l’OCRS de l’Azawad. Il y a 66 ans, avec l’OCRS, la France impériale était seule face à l’opposition de ses colonies. Aujourd’hui, avec l’Azawad, la France impérialiste, oh paradoxe ! trouve des pays africains alliés sur lesquels elle peut s’appuyer pour œuvrer contre le Mali, contre la libération et la stabilisation l’Afrique occidentale.
À cette fin, la stratégie de l’encerclement du Mali mise en place par la France ne peut passer inaperçue. À l’Ouest au Sénégal des forces françaises sont en attente. À l’Est le Niger abrite des bases militaires et reçoit les forces armées françaises chassées du Mali. Au sud, la Côte-d’Ivoire héberge plusieurs bases militaires françaises et accueille une partie de l’armée française chassée du Burkina Faso. Le Tchad, rescapé de l’OCRS comme le Niger, mais qui n’a pas de frontières avec le Mali assure le commandement des forces armées françaises d’occupation.
Ne peuvent non plus passer inaperçues, les convocations récentes au palais de l’Élysée, du quatuor de chefs d’États africains amis de la France : ceux de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Tchad et du Niger.
Prenons garde ! L’Azawad pourrait être le cheval de Troie de la France dans l’enceinte de l’Afrique qui se libère.
Farmo MOUMOUNI