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Bareja Youmsi:
Le vendredi 14 mars 2025, une curiosité planétaire s’est produite à l’hôtel Hilton de Yaoundé : la signature d’une convention minière entre la République du Cameroun et la société Cameroon Mining Company (CAMINCO), relative à l’exploitation de la petite mine d’or de Mborguene, située dans les arrondissements de Bétiaré-Oya et de Garoua-Boulaï (département du Lom-et-Djerem, région de l’Est).
Quand les autres sanctionnent, le Cameroun gratifie
Récemment, en République démocratique du Congo (RDC), des ressortissants chinois ont été interpellés alors qu’ils détenaient une quantité d’or et des devises en dollars. Ils ont été condamnés à sept ans de prison ferme …
Interview:
Bonjour Dr,quel est votre avis d’expert sur cette question, qui est d’actualité Cameroun ?
Le Cameroun a enfin publié le rapport ITIE 2022 après un long retard et une menace de radiation de l’initiative. Cette publication exempte-t-elle le pays de toute suspension ?
J’ai également appris, comme vous, la publication du rapport ITIE 2022 le 11 mars sur le site du MINMIDT. Rappelez-vous que le Cameroun avait été suspendu en mars 2024 de l’ITIE pour plusieurs raisons, notamment le retard dans la publication des rapports 2022 et 2023.
Ils ont publié un rapport avec ses annexes que je juge vide et honteux. Lorsqu’un rapport ne peut même pas fournir le nombre total de titres miniers attribués en 2022, c’est inquiétant. De plus, quand on y lit qu’il existe un ministère en charge des hydrocarbures, alors qu’un autre passage du même rapport fait du MINMIDT le ministère du Pétrole, cela devient aberrant.
La menace qui pèse sur le Cameroun est bien la radiation. À mon avis, avec la publication de ce rapport 2022, le Cameroun ne sera pas radié immédiatement, mais il gagne juste du temps et restera suspendu.
Quelles sont les conséquences concrètes du retard de publication du rapport ITIE 2022 sur la crédibilité du Cameroun auprès des investisseurs internationaux et des partenaires financiers ?
Aucune conséquence immédiate. C’est la radiation du Cameroun de l’ITIE qui pourrait réellement impacter sa crédibilité. Cependant, il faut comprendre que l’adhésion à l’ITIE est volontaire. Le processus n’a donc aucun caractère coercitif ni répressif envers les pays qui n’en font pas partie.
Parmi les recommandations faites dans ce rapport, l’ITIE exige la transmission et la publication des documents justificatifs complets avant toute attribution de permis, notamment sur les capacités financières et les engagements environnementaux des entreprises (MINMIDT, Sous-direction du Cadastre Minier, ITIE Cameroun). Quelles leçons le gouvernement camerounais peut-il tirer de cette situation pour améliorer la ponctualité de ses futurs rapports ITIE ?
L’ITIE met en lumière le véritable problème qui mine le secteur minier camerounais : la mauvaise gouvernance et l’amateurisme dans la gestion du secteur.
L’attribution des titres miniers se fait au Cameroun de manière opaque et au gré des relations personnelles. Une entreprise spécialisée dans les produits pétroliers peut ainsi se retrouver avec un permis d’exploitation du fer, alors qu’elle n’a ni les compétences techniques ni la capacité financière pour développer un tel projet.
Nous avons des entreprises comme Sinosteel (fer de Lobe), Canyon Resources (bauxite de Minim Martap) ou Bestway (fer de Mballam). Le ministère doit publier les justificatifs prouvant leur capacité technique et financière pour les projets qui leur ont été attribués.
Cependant, le rapport 2023 reste également attendu. Quels sont les facteurs qui expliquent le retard persistant dans la publication des rapports ITIE au Cameroun ?
En plus du rapport de 2023, le rapport 2024 est déjà en attente… Le secteur extractif camerounais est dans un imbroglio et une confusion totale. Si nous avions un ministère du Pétrole distinct du ministère des Mines, nous ne serions pas dans ces glissements perpétuels.
Il est urgent d’engager des réformes profondes du secteur extractif (mines et pétrole). Sans ces réformes, l’adhésion à l’ITIE n’a aucun intérêt.
Quelles sont les attentes concernant la publication du rapport ITIE 2023 et quels sont les risques de nouveaux retards ?
Le rapport 2023 sera probablement aussi vide et peu informatif que celui de 2022. Pendant que les autres pays membres de l’ITIE travaillent déjà sur le rapport 2024, le Cameroun accuse un retard considérable.
Il n’y a aucun risque immédiat, si ce n’est que nous conserverons notre statut de pays suspendu jusqu’au jour où nous rattraperons le peloton.
Comment le gouvernement peut-il améliorer la collecte et la diffusion des données relatives aux industries extractives ?
Les autorités ont attribué des titres miniers à des aventuriers et parfois à des prête-noms. Dans ces conditions, comment voulez-vous que ces compagnies communiquent sur leurs activités ?
Le gouvernement doit d’abord assainir le secteur extractif au Cameroun. Actuellement, cette gestion n’apporte rien à la prospérité de notre peuple ni au développement du pays et de son industrialisation.
Dr Bareja Youmssi
Expert en mines et pétroles
Enseignant chercheur