Par Cyrille Mbiaga, Enseignant, Auteur (Aix-Marseille – France)
C’est avec beaucoup de circonspection que je suis de façon attentive l’évolution de la pandémie Covid-19 qui ébranle le monde. Son introduction au Cameroun depuis le premier cas importé était lisible et chacun pouvait deviner ce qui allait se passer les jours suivants. Le gouvernement de la république du Cameroun a tardé à prendre des mesures qui s’imposaient, j’allais dire qu’il n’a pas été proactif pour prendre tout de suite les mesures barrières et d’isolement pourtant connues et que d’autre pays touchés avant le Cameroun avaient mis en place.
Depuis un mois, la dynamique de l’infection à Covid-19 décrit actuellement une propagation à grande vitesse du virus au sein de la communauté camerounaise. Il faut reconnaître que le Cameroun comme de nombreux pays du monde n’a pas les moyens de faire face de façon efficace contre l’évolution d’une telle pandémie et on peut comprendre les hésitations et l’impréparation de ses gouvernants.
La Diaspora camerounaise est de fait une partie prenante du Cameroun à l’extérieur du Cameroun. Elle agit au Cameroun de façon constante là où la vie est menacée ou demande à être améliorée. Elle le fait sans accompagnement de l’État du Cameroun qui la perçoit par moment comme une menace. L’agir solidaire de la Diaspora camerounaise prend appui sur des organisations sociales auto-organisées, lesquelles participent au développement de nombreuses communautés et localités des zones rurales et au financement des activités dans de nombreux sites urbains.
Dans le principe d’auto-organisation dont je donne quelques éléments fondamentaux théoriques dans mon récent livre ‘Diaspora et système diasporique, moteur de développement du Cameroun’ parut le 2 décembre 2019. Eds l’Harmattan (Paris), les organisations sociales camerounaises qui concernent sa Diaspora se perçoivent en raison de leur vitalité comme des mobiles intrinsèquement en mouvement au sens de la science physique, elles se déploient dans le temps et l’espace en mouvements dynamiques portés par un ‘contrat social’ qu’on appelle communément en France le projet associatif. Les organisations sociales camerounaises sont nombreuses, dispersées, perpétuellement en action et décrivent pour cette raison les mouvements diasporiques.
Les dirigeants du MRC ont bien compris le principe de l’auto-organisation et son fonctionnement tel qu’il se fait dans la diaspora et dans ses mises en rapport avec le Cameroun. L’association spontanée Survie-Cameroun-Survival par son contrat social invite les camerounais qui ont le sentiment d’être délaissé à œuvrer ensemble pour agir là où la pandémie menace les vies. De ce point de vue l’esprit du fonctionnement des organisations sociales auto-organisées me semble respecté. Mais au regard du dispositif de gestion mis en place (représentant du ministère des finances, représentant du MINAT, de la DGSN, etc.) dans le contrat, on peut s’interroger sur la place de la coordination des actions menées contre Covid-19. Coordonner Quoi pour Qui par Qui ? Où et dans Quoi ? Il apparaît clair que la coordination des actions à mener posera un réel problème. Celui du pilotage transversal des mouvements.
Quand bien même, l’auto-organisation des organisations sociales en mouvement aura été assurée, qu’une structure de coordination des actions menées aura apporté la garantie d’un pilotage transversal des faits liés au péril sanitaire, il demeure que le principe de l’éco-organisation est fédérateur des efforts contre la dynamique de l’infection à Covid-19.
C’est donc dans l’éco-organisation que réside le péché originel commis par les dirigeants du MRC, ce péché tient au fait que ces derniers ont voulu généraliser au ‘Tout Cameroun’ un principe parcimonieux qui fonctionne bien dans l’auto-organisation, mais qui ne peut se généraliser que dans la négociation avec l’État du Cameroun. L’éco-organisation suggère que l’organisation auto-organisée demande à l’État de l’accompagner dans son projet, et l’État à son tour s’assure bien que la qualité du projet qui lui est proposé est bon pour ses citoyens et accepte de l’intégrer.
Ces principes qui sont bien expliqués dans le livre invitent à la recherche d’un consensus pour être bien appliqués. Et la négociation est un acte d’humilité et de consensus. Le projet Survie-Cameroon-Survival est bon pour le Cameroun, que les porteurs du projet se rapprochent en toute humilité de l’État du Cameroun pour son implémentation. Et que l’État du Cameroun à son tour accepte d’intégrer l’auto-organisation Survie-Cameroon-Survival dans sa politique sanitaire du moment. Sinon, nos familles risquent d’en pâtir !