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COMMENT LA CHINE PROCÈDE POUR SCELLER LE SORT DES MINERAIS STRATÉGIQUES ET NON LES PAYS PRODUCTEURS : L’EXEMPLE DU LITHIUM

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Question : Qui contrôle la production mondiale du Lithium ?

Réponse : 3 pays détiennent la majorité des réserves mondiales (70 %) c’est le Chili (36 %), l’Australie (24 %) et l’Argentine (10 %) et ce sont ces 3 pays qui dominent actuellement la production mondiale (77 %). La Chine ne représente qu’un sixième (15 %) de la production mondiale, avec 8 % des réserves.

Mais nous allons voir comment, sans contrôler ni la majorité des réserves mondiales, ni la production mondiale du lithium, c’est paradoxalement elle qui dicte les règles.

Dans le secteur des voitures électriques, alors que les principaux pays producteurs du Lithium, comme l’Australie, le Chine, Argentine et le Canada se frottaient les mains de ce qu’ils allaient gagner en vendant leurs minerais « aux plus offrants », la Chine a réussi l’exploit de faire chuter le prix du lithium qui sert dans la fabrication des batteries pour les voitures électriques de 82% en 2023.

Comment a-t-elle fait ?

La Chine est elle-même productrice de Lithium. Mieux, contrairement aux autres, elle ne vend pas son lithium sous forme de matière première, mais de semi-fini, le carbonate de lithium.

Alors que ce sont les autres pays qui sont leaders dans la production du minerais lithium, la Chine est la principale productrice des semi-finis, du carbonate de lithium avec 55 % de l’offre mondiale, mais qu’elle ne vend pas dehors, mais l’utilise elle-même. Le Chili (25 %), l’Argentine (10 %).

En septembre 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, déclare que ” la Chine a inondé les marchés mondiaux de voitures électriques artificiellement moins chères en raison des subventions excessives”.

Pour comprendre les propos de la présidente de la Commission européenne, il faut retenir que lorsque les fabricants européens n’arrivent pas à descendre le prix d’une voiture électrique en dessous de 40.000 euros, la Chine vend la même voiture à 9.000 Euros. Ce qui assure la faillite de tous les concurrents qui auraient pu la challenger et faire grimper le prix du lithium.

Et désormais, toutes ces entreprises occidentales qui renoncent à produire de l’électrique, à cause de l’offensive chinoise, renoncent, pour parler plutôt de l’hydrogène. Ce qui contribue à la chute du prix du lithium.

Mais madame, Ursula Von der Leyen ne dit là qu’une partie de la vérité.

La Chine utilise une autre technique pour neutraliser les prix des produits des minerais qui lui sont utiles.

Par exemple, il a suffi que le 23 novembre 2023, la Chine baisse de 2,3% le prix de son carbonate de lithium, et de 20% tout au long du mois vendu aux entreprises chinoises de fabrication de batteries électriques, pour que la matière première dégringole de 82% sur un an.

Le quotidien financier américain, le Wall Street Journal du 19 février 2024, titre à la une ceci :

“The Boom in Battery Metals for EVs Is Turning to Bust” (Le boom des métaux pour batteries pour véhicules électriques est en train de s’effondrer)

Sous-titre : “Producers of lithium and nickel pause projects after prices collapsed, and momentum slows for electric-vehicle sales” (Les producteurs de lithium et de nickel suspendent leurs projets après l’effondrement des prix et le ralentissement des ventes de véhicules électriques).

L’article commence par le désarrois de deux états américains, la Coroline du Nord et la Caroline du Sud, qui ont espéré sortir de la misère, grâce aux boom du lithium. Et puis, la Chine en a décidé autrement.

Le Wall Street Journal de ce 19/02/2024 écrit :

« Lorsque l’entreprise de lithium la plus précieuse au monde a annoncé l’année dernière (en 2023) son intention de construire une usine de 1,3 milliard de dollars en Caroline du Sud (Etats-Unis), les autorités locales l’ont saluée comme une transformation pour l’État de Palmetto.

Le projet de haute technologie d’Albemarle ALB, basé à Charlotte, en Caroline du Nord, a augmenté de 1,88 % ; Le triangle de pointage vert a été conçu pour traiter différentes sources de lithium, notamment à partir de batteries recyclées, et servir de fournisseur de minerai essentiel pour l’industrie florissante des véhicules électriques de Caroline du Sud.(…) »

Ainsi, dans le rapport de 25 pages de Benchmark Mineral Intelligence (Battery Raw Materials: Due for a Recharge?), une firme britannique d’analyse de l’industrie minière mondiale, explique pourquoi en 2023, le prix des hydroxydes de lithium chinois (le prix mondial de référence) a chuté de 82,3%. Et le Wall Street Journal complète en nous rappelant que cette chute du prix chinois de 82,3 a occasionné une chute mondiale de 90%. Parce qu’aujourd’hui, dans le domaine des minerais stratégiques, lorsque la Chine tousse, c’est le monde entier qui souffre de fièvre aiguë.

Source : https://www.wsj.com/finance/commodities-futures/the-boom-in-battery-metals-for-evs-is-turning-to-bust-5630493c

Au Canada, c’est encore pire. On a commencé à licencier les cadres, à cause de la guerre des prix du lithium, déclenchée par la Chine.

Le 24 janvier 2024, la société australienne Sayona-Québec, qui exploite la mine du Lithium du Quebec à La Corne, en Abitibi-Témiscamingue, dans un communiqué, nous informe qu’elle a procédé à une réorganisation «pour faire face à la réalité du marché du lithium», en licenciant 15 employés, majoritairement des cadres supérieurs. Le directeur est licensié.

“Dans le cadre de cette restructuration, Sayona-Québec annonce que M. Guy Belleau, le chef de la direction de la filiale québécoise de la société, quitte son poste en date du 24 janvier 2024. La société souhaite remercier M. Belleau pour sa contribution et lui souhaite bonne chance dans ses projets futurs.

(…) L’analyse opérationnelle visera à identifier les opportunités afin d’optimiser la structure des coûts des opérations du Complexe Lithium Amérique du Nord, permettre une saine gestion des flux de trésorerie et assurer la viabilité financière du projet pour s’adapter à la conjoncture actuelle du marché du lithium.”

Source : https://www.newswire.ca/fr/news-releases/sayona-procede-a-une-reorganisation-pour-faire-face-a-la-realite-du-marche-du-lithium-832102126.html

Le président Congolais relaie les Fake News des médias occidentaux et s’amuse à mettre le doigt dans un engrenage de guerre économique entre la Chine et l’Occident d’où son pays ne pourra sortir que perdant.

Tshisekedi ne sait pas qu’il n’existe aucun minerai au Congo sans lequel on ne ferait pas de téléphone. Tous les minerais ont leurs substituts déjà identifiés.

Quand on fait croire au Congo qu’il est déterminant avec les 2/3 des réserves mondiales du Cobalt pour faire les batteries, qu’il ait l’intelligence de se demander, pourquoi la colonie française de Nouvelle Calédonie est en proie à la misère et la violence à cause de la mise à l’arrête de toutes les mines de Nickel, principal substitut du Lithium et donc du Cobalt.

Non, les Chinois ne sont pas en Afrique à la chasse des matières premières sans lesquelles leurs usines ne tourneraient pas. La Chine a dans son sous-sol l’essentiel de ses ressources minières qu’elle complète en achetant le reste à la Russie, mais aussi au Canada, en Australie et en Amérique du Sud. Et dans ce schéma, l’Afrique est marginale.

Aucun minerai n’est irremplaçable pour la Chine. Le comprendre c”est éviter de se faire avoir dans la lutte inutile déjà perdue par l’Occident avec la Chine.

Le Congo avait bénéficié des mêmes contrats que l’Angola, ce dernier pays a compris ce que les Congolais n’ont pas compris : avec la Chine, le premier contrat n’est que la carte de visite à utiliser, pour engranger ensuite l’essentiel des investissements massifs chinois dans le pays.

Contrairement au Congo Démocratique, les dirigeants Angolais ont su jouer habilement avec les Chinois. Et après le Sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine de 2018, le président chinois Xi Jinping déclare, que la Chine promet de « soutenir l’Angola dans la diversification de son économie »
Résultat des courses, en 2021, 3 ans après, l’Angola devient, le premier pays africain bénéficiaire des financements chinois, pour un montant de 43 Milliards de dollars, loin devant l’Ethiopie (14 Milliards), la Zambie (10 Milliards de dollars) et le Kenya (9 Milliards de dollars).

En Angola, on ne parle plus de contrats miniers, mais des projets d’infrastructure financés par des crédits bon marché garantis par le pétrole. C’est de loin plus intéressant pour les pays africains.

Il n’existe aucun minerai qui nous permettrait de nous croiser les bras et de choisir les chinois ou les américains pour les extraire et nous rendre riches. Cela n’est pas possible, car cela n’existe nulle part. C’est parce que la Russie était un membre puissant du cartel Opep+ qu’il a imposé une diminution de la production de pétrole, pour faire grimper les prix en 2022 et avoir un surplus pour financer la guerre en Ukraine, contre les Occidentaux. Il s’agit d’un levier dont ne détient la République Démocratique du Congo pour aucun de ses minerais.

Par conséquent, il est imprudent de fonder l’avenir d’un pays sur les minerais dont on a aucun levier pour contrôler ni le prix, ni la consommation mondiale.

Aujourd’hui, le président congolais est très content, d’avoir remporté la bataille. Mais ce qu’il oublie est qu’il n’a remporté que la première manche d’une bataille contre le Katika (le croupier).

Le Katika (Croupier en français) est celui qui anime des jeux d’argent dans un casino. C’est donc lui qui distribue les cartes (black jack, roulette, chemin de fer…) aux participants. Et par définition, vous ne pouvez pas gagner contre le Katika, contre celui qui vous distribue les cartes.

Que Tshisekedi jubile vite son plaisir de la première manche, car la prochaine risque d’être plutôt amère. Car même lorsque les cartes ne sont pas truquées, le Katika peut juste jouer sur le moment opportun de quand sortir le joker ou les As, du reste des cartes et vous serez toujours perdant.

LECONS A RETENIR POUR LE SECTEUR MINIER AFRICAIN

Il faut arrêter de faire croire au peuple que l’Afrique est riche en ressources minières qui permettraient au continent de devenir riche sans faire beaucoup d’effort.

L’exploration a un coût financier que nous ne pouvons pas toujours payer. Et même quand on a trouvé, on est conditionné par les rebondissements des prix volatiles du marché.

Pire, après on a souvent de nombreux les pays qui investissent en même temps pour trouver les mêmes produits ou les substituts.

Les prix des minerais ne sont élevés que dans des périodes courtes, parce que si le marché demande quelque chose, les recherches vont s’accentuer pour trouver d’autres gisements et à défaut, des alternatives plus disponibles en quantité.

Le 8 février 2024, Ugo Lapointe journaliste dans le quotidien canadien LE DEVOIR, créé en 1910 suggère un autre motif à la dégringolade du prix du lithium, que les autorités africaines sous-estiment très souvent, lorsqu’ils croient que l’exploitation minière va résoudre le problème de misère du pays.

Il donne l’exemple des Etats-Unis et le Canada dont les réserves du lithium qui ne sont que le 1% mondiale, sont suffisantes pour alimenter les voitures électriques pendant des centaines d’années.

Il écrit :

« Les États-Unis et le Canada représentent environ 1 % de la production mondiale (du lithium) avec 7 % des réserves. Ces réserves pourraient fournir environ 200 millions de véhicules électriques, soit près de 200 fois le nombre de véhicules électriques vendus dans ces deux pays en 2022. »

Il ajoute que le marché minier est un marché par définition, cyclique et donc qu’il est conseillé de ne pas y asseoir ses espoirs démesurés de développement. Il écrit :

« Le lithium n’est pas à l’abri des emballements-effondrements (boom and bust) cycliques du secteur minier ni des passifs sociaux et environnementaux qui l’accompagnent trop souvent. À terme, une majorité de projets risquent de ne jamais voir le jour, de fermer prématurément ou de faire faillite. »

Il est lapidaire sur l’avenir du lithium avec ces mots :

« S’il est vrai que la demande en lithium explose, on oublie trop souvent de préciser que l’offre explose elle aussi. Selon les données de l’Agence géologique américaine, la production mondiale de lithium (130 000 tonnes) a connu un impressionnant bond de 58 % entre 2020 et 2022.

Avec de nouvelles découvertes chaque année, les ressources mondiales de lithium (98 millions de tonnes) ont pratiquement triplé depuis 2010. Ces quantités seraient suffisantes pour approvisionner le marché du lithium pendant 954 ans au taux de production actuel.

Quant aux réserves qui sont davantage près du seuil de production, elles atteignaient 26 millions de tonnes en 2022. Il s’agit d’un volume suffisant pour fournir 2,6 milliards de véhicules électriques, soit près du double du quelque 1,4 milliard de véhicules à essence actuellement en circulation sur la planète. À cela s’ajoute le recyclage du lithium, qui pourrait accroître substantiellement sa disponibilité sur les marchés à moyen terme : jusqu’à 30 % de la demande, selon certaines études. »

Source : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/806830/idees-mines-batteries-lithium-est-pas-risque-economique

CONCLUSION

Avant le Congo démocratique, c’est le Cameroun qui a commis la même erreur stratégique, en refusant de faire partie de la puissance globale, pour se relayer à la périphérie des enjeux.

Lorsque la Chine a accepté de financer la construction d’un port en eau profonde au Cameroun, le port de Kribi, sa rentabilité n’était liée qu’à la capacité qu’on aurait ensuite de faire installer des entreprises de transformation de l’industrie lourde et des hydrocarbures. Mais en faisant confiance aux bureaux d’études en Occident qui expliquent sans cesse aux Africains que la Chine les trompe, les Camerounais ont renoncé à des grands groupes chinois comme Cosco, pour gérer son port pour le confier au français Bolloré.

Pour la partie camerounaise, il ne s’agit que de l’exercice de sa liberté de choisir avec qui on va, dans les activités de souveraineté du Cameroun.

Mais cette partie camerounaise ne se demande jamais pourquoi, ce plus offrant qu’est la France, na jamais voulu créer un port à Kribi, pour ne pas se pénaliser elle-même à Cotonou ou à Lomé voisins où elle était en situation de monopole.

Si le port de Kribi existe, ce n’est certainement pas en compétition avec les ports de Tanger au Maroc mais de Walvis Bay en Namibie, contre le port de Lomé et celui de Cotonou. Parce que si un porte conteneur stationne à Kribi, ce ne sera certainement pas pour s’arrêter ensuite à Lomé ou à Cotonou. Il s’agit donc avant tout d’une question de guerre économique et non de choix de partenaires sur la base sentimentale. Or en 2019, le port namibien est passé de 350.000 EVP, comme le port de Kribi, à 750.000 EVP avec la cible des pays d’Afrique australe et centrale.

En choisissant Bolloré au lieu de Cosco, par exemple, le Cameroun a fait le choix de condamner le port de Kribi à renoncer à devenir un port régional de classe mondiale comme son plus proche voisin de Walvis Bay, pour rester nain et gérer les mêmes affaires secondaires, de transbordements venant des grands ports, exactement que Douala gérait déjà avant et puis c’est tout.

Les Camerounais ont renoncé à faire partie du jeu de puissance, pour rester une simple périphérie. Et c’est la même voie de garage que sont en train d’emprunter les Congolais de Kinshasa.

On ne peut pas espérer combattre le M23 au Congo en allant flirter avec Washington qui a déjà choisi son allié, le Rwanda. On ne peut pas aller vers la Russie pour demander des bases militaires, comme si on allait choisir une voiture sur un catalogue, ce qui équivaut à espérer inutilement que cette Russie va payer les frais de notre mariage avec l’Occident.

Quand on se montre intraitable avec la Chine, alors qu’au même moment on est prêt à aller s’agenouiller à Washington et n’avoir jamais le courage du soutien américain aux rebelles congolais, on est certain que jamais la Chine, ne fera du Congo un pivot, un point central de sa stratégie mondial de puissance.

Le Cameroun a renoncer à être ce pivot en Afrique centrale, en échange de rien d’autre. Le Congo renonce à faire partie du jeu de puissance, elle aussi, en échange de rien. On retourne ensuite dans la misère qu’on a toujours connue, à écouter les balivernes de Radio France Internationale déversées en Modulation de Fréquence sur les capitales africaines, nous racontant le succès de Félix Tshisekedi face à la Chine, d’avoir rééquilibré le partenariat.

Et après la Chine, est-ce que le Congo, espère rééquilibrer tous ses autres contrats avec la France, avec la Belgique, avec les Etats-Unis ou bien ce n’était que la Chine ?

Avec cela, Radio France Internationale suggère à tous les pays africains de faire de même et de rééquilibrer tous les contrats miniers confidentiels avec les entreprises françaises, ou bien, c’est juste la Chine qui était la méchante ?

Jean-Paul Pougala

Samedi le 16 mars 2024
(nouvel extrait publié le 23/05/2024)

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