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L’actualité, comme d’habitude, regorge de nouvelles, bonnes ou mauvaises. Elles nous informent tous
les jours des joies, des drames et des projets qui rythment notre quotidien. Mais 2024 aura été une
année morbide parsemée de crimes, d’actes de barbarie, d’ensauvagements perpétrés par les dirigeants
du monde.
L’information, royalement sélective, s’est focalisée sur deux régions du monde : La Palestine et l’Ukraine
où s’ajoute hélas le Liban. Nous avons eu droit aux images, aux débats télévisés et surtout à la presse
écrite qui choisit toujours son camp en fonction de ses intérêts. Les réseaux sociaux où l’anonymat est
de règle ont inondé notre quotidien de nouvelles vraies et fausses. Mais comment faire le tri avec toutes
ces immondices ? Autre curiosité de taille : La CPI s’est prononcée pour une fois sur des dirigeants non
africains. Le monde change-t-il ?
L’année se termine par un cri qui jaillit du fond du cœur : La Syrie est libre.
D’autres régions du monde ont connu et connaissent des drames quotidiens de mutilations, de guerres
larvées, de viols et de déplacements des populations. Ces régions consciemment ignorées avec la
complicité des médias des grandes puissances subissent au quotidien une guerre qu’elles n’ont pas
voulue et qui tue en silence, sans distinction des femmes, des enfants et des hommes. C’est l’Afrique où
le jihadisme a choisi de s’installer. Le climat s’y prête bien car ces terroristes bien équipés ont pour
objectif de déstabiliser un continent qui a le tort d’avoir un sous-sol minier très riche et diversifié.
Pour jouir de ces richesses, les multinationales équipent les jihadistes d’armes lourdes. Ils sèment le
chaos, la désolation et la peur. En contrepartie, les multinationales pillent les richesses. Et pour se
donner bonne conscience, les ONG viennent nous rappeler leur rôle sinistre d’annonceurs d’alerte.
Les poches de guerre en Afrique subsahélienne se multiplient en silence. En République Démocratique
du Congo, les morts se comptent par millions depuis une décennie. Les terroristes équipés par le
Rwanda sous l’égide des multinationales sèment la terreur et extraient librement les matières premières
minières. L’Union Européenne qui ne cachent plus sa duplicité a signé un contrat d’achat de matières
premières minières avec le Rwanda qui n’a pas dans son sous-sol les mines précieuses.
Que dirait-on du Soudan du Sud ? Cette guerre oubliée ou ignorée ne compte plus ses morts. Le drame
se déroule très loin de l’Occident qui continue à exploiter les puits de pétrole des damnés de la terre.
Mais l’Afrique a connu un évènement qui va faire tache d’huile dans les campus universitaire, les
réseaux sociaux, la société civile et les télévisions privées. Le Sénégal a élu démocratiquement un jeune
président. La jeunesse a triomphé pour une fois et a fait basculer le modèle très cher aux autocraties
installées par les puissances coloniales. Est-ce un bon présage ? Le temps le dira. Mais un espoir fait
rayonner la jeunesse : l’Alliance des Etats du Sahel (Mali, Niger et Burkina Faso) qui a bousculé l’ordre
postcolonial.
Cet affront n’est pas supportable par les grandes puissances décidées à rétablir l’ordre postcolonial.
Pour y parvenir, elles s’appuient sur les dirigeants des membres de la CEDEAO. Ces derniers, pour
sauver leurs régimes en branle s’organisent pour faire échouer les enfants récalcitrants, insoumis et
résilients qui se battent pour une Afrique enfin libre.
L’Afrique de l’intérieur, toujours minée par des pouvoirs autocratiques, n’est pas disposée à céder aux
clairons de la recolonisation qui se chantent dans les capitales occidentales. Dans les coulisses, un
projet prend forme : il faut protéger l’Afrique contre le terrorisme. Cet aveu vient d’un haut dignitaire
espagnol qui « aime l’Afrique » comme au temps des colonies. Avec éclat, il souhaite une intervention de
l’Otan en Afrique.
De mémoire, nous ne pouvons ignorer l’intervention de l’Otan en Libye. Ce pays a sombré. Il est devenu
le repère de tous les jihadistes qui ont construit des marchés de l’esclavage où tous les noirs en
partance vers l’Europe servent de main d’œuvre aux nouveaux négriers. Et personne ne s’en émeut.
Même pas les dirigeants africains qui aiment prétendument leurs citoyens.
L’Occident vit en paix et entretient quelques poches de guerre. Nous condamnons fermement toutes les
guerres. Mais nous ne pouvons taire nos morts dans l’indifférence.
Les dirigeants africains qui se proposent de déclencher une nouvelle guerre contre l’Alliance des Etats
du Sahel ont-ils conscience du rôle trouble qui les animent au moment où seule la paix et la liberté
restent la condition non négociable pour une nouvelle Afrique débarrassée de son complexe colonial ?
Michel LOBE ETAME
Journaliste Indépendant