Économie Monde

Ce que l’Irak, l’Iran et l’Arabie Saoudite ont compris du rôle de la Chine, que les pays africains peinent à comprendre et pour contrer les prédateurs occidentaux du pétrole.

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Il existe deux codes qui servent de balise à la guerre économique du pétrole et que les dirigeants africains et leurs conseillers ne connaissent pas. Et pour cette lacune, ces pays, n’ont aucune chance de profiter des fruits de leur sous-sol, de profiter de façon optimale du fruit de leur pétrole.

Ces codes sont : CPN et CPI

Vous n’en avez jamais entendu parler, et c’est normal. Ce n’est pas France24, RFI ou BBC qui viendront vous l’expliquer. Ce serait nuire à l’objectif même de leurs narrations au quotidien, pour conduire le monde comme des animaux qu’on conduit droit à l’abattoir.

CPN : les compagnies pétrolières nationales (Aramco, PetroChina, Gazprom etc.)

CPI : les compagnies pétrolières internationales (Shell, BP, Chevron, Exxon, Total, etc.)

La première fois que quelqu’un a mis le conflit des années à venir entre ces deux entités, c’est en septembre 2004, le ministre saoudien du pétrole, Ali Naïmi, lors d’une conférence de l’organisation des pays producteurs de pétrole, OPEP parle de l’attaque (par les pays occidentaux) contre les compagnies nationales de pétrole, largement fondée sur des généralisations et sur une mauvaise appréciation de leur rôle. M. Naïmi parle de la confusion entretenue par les occidentaux sur une comparaison inappropriée des CPN avec les CPI.

Il explique : « alors que le mandat des CPI est de créer des plus-values pour leurs actionnaires, le mandat des CPN est généralement plus large : en plus de gérer et de développer les ressources en hydrocarbure de leur pays pour mener à bien les objectifs de développement, elles ont en charge l’application des politiques énergétiques de leur gouvernement et la contribution à la formation technique et au développement des technologies dans ce secteur. Indépendantes, efficaces, responsables et bien managées, les CPN sont indispensables pour atteindre ces objectifs. »

C’est cet objectif de développement du pays des CPN que les dirigeants africains ont du mal à comprendre et cèdent facilement à la propagande occidentale que dénonçait Ali Naïmi il y a 20 ans, en 2004, et commettent la pire de leurs fautes politiques en confiant l’exploitation de leur pétrole à des CPI, qui ne répondent qu’à leurs actionnaires et non aux peuples africains.

C’est donc particulièrement désolant de voir qu’en 2024, 20 ans après Ali Naïmi, la quasi-totalité des chefs d’état africains se comportent comme si la bataille n’a pas lieu et croient naïvement développer leurs pays avec des pourcentages qu’ils croient d’être attribués dans les CPI.

Les guerres civiles, les guerres religieuses, et l’essentiel des conflits dans le monde depuis 50 ans sont conditionnés par le conflit entre ces deux entités. C’est aussi le dualisme entre la Chine qui représente les CPN et les Etats-Unis, qui représentent les CPI.

Les CPI sont des capitaux privés, répondent à des actionnaires privés et veulent un pétrole à 1 dollar le baril. Car c’est grâce à ce prix exagérément bas, qu’on a pu parler en Occident des Trente Glorieuses, c’est-à-dire, 30 ans de développement continu et soutenu de l’Occident en piochant gratuitement dans les ressources énergétiques des pays dits pauvres et qui croient naïvement que les CPI vont contribuer à leur développement.

Sauf qu’en payant aux pays producteurs qui ont naïvement adhéré à la propagande des CPI, ce prix, d’un dollar par baril de pétrole, sont condamnés à rester pauvres, mais ils ne le savent pas encore. Les pays africains producteurs de pétrole comme le Cameroun, le Nigeria, le Gabon, le Congo, pour avoir fait dans l’ignorance le choix de confier les ressources pétrolières aux CPI, au lieu de les exploiter eux-mêmes, sont tous condamnés à rester pauvres, bien entendu, en se contentant du symbole de quelques nationaux fortement médiatisés par l’occident, érigés au rang de milliardaires, pendant que l’essentiel de la Population restant dans l’extrême pauvreté.

C’est le cas du Nigeria, où selon les Nations Unies, 60% de la population vit en dessous du seuil de l’extrême pauvreté, alors que tous les médias occidentaux ne prononcent le nom de Dangote, sans ajouter que c’est l’homme le plus riche du continent africain.

L’illusion est parfaite : le Nigeria peut être fier d’avoir le plus grand milliardaire d’Afrique.

Le système des CPI spolie littéralement le pays producteur, à travers une manipulation du prix à la bourse comme par hasard située en Occident, qui fait croire au pays producteur que son pétrole ne vaut pas grand-chose.

Mais tenter de s’organiser entre CPN pour s’opposer à cette spoliation systématique des pays producteurs n’est pas sans risque. C’est la principale raison à la mise au banc des Nations des pays, comme le Venezuela, l’Iran, la Libye de Kadhafi.

En 1973, les Etats-Unis qui ne sont que 6% de la population mondiale, consomment 33% du pétrole produit dans le monde et doivent forcément le payer moins cher : 38,5 cents le gallo de 3,785 litres. En d’autres mots, 38,5 cents x 250 f le dollar à l’époque = 96,25 fcfa le litre d’essence à la pompe, soit, 364 Franc CFA le gallon de 3,785 litres.

Ceci va durer jusqu’à ce qu’en 1973, arrive le choc pétrolier où les pays arabes exigent désormais 55,1 cents par gallon en juin 1974, soit, 43% d’augmentation.

« Le 17 octobre 1973, l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) annonce qu’elle réduira de 5% par mois son débit de pétrole, tant que les États-Unis ne changeront pas leur politique au Moyen-Orient. La veille, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) annonçait une hausse de 17% du prix du brut et une augmentation de 70% des taxes aux compagnies pétrolières.

Le prix de l’Arabian Light, un pétrole qui sert d’indicateur, passe pendant la crise de 2,32 USD à 9,00 USD le baril. Durant cette même période, les revenus de l’OPEP sont multipliés par quatre, dépassant 86 milliards dollars en 1974.

Les occidentaux pensent d’instaurer le boycottage pétrolier arabe, mais ils se rendent vite compte que cela aboutirait à immobiliser toute la circulation automobile, à interrompre le chauffage des écoles et des hôpitaux et ralentirait l’activité industrielle en Europe au point de provoquer du chômage. »

Source : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/520

Ce pétrole des autres puisé auparavant, presque gratuitement pour assurer le développement industriel de l’Occident, va désormais être payé, même pas à son juste prix, mais un peu plus cher. Et c’est là où tout l’occident se révolte. Au Congrès des Etats-Unis, on menace les pays arabes.

Le Southern Manifesto (« Manifeste du Sud ») est un texte rédigé en février et mars 1956 par des membres du Congrès des États-Unis (parlementaires et sénateurs) pour s’opposer à la décision de la Cour suprême des États-Unis concernant Brown v. Board of Education, c’est-à-dire l’intégration des noirs dans les écoles publiques.

Ce manifeste qui ne veut pas que les Noirs aillent dans les écoles pour blancs, est signé par 101 élus du Congrès des Etats-Unis, dont 99 du Parti démocrate et deux du parti républicain du Sud des États-Unis : Alabama, Arkansas, Floride, Géorgie, Louisiane, Mississippi, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Tennessee, Texas et Virginie.

Parmi les signataires, il y a un nom qui nous intéresse pour notre histoire du jour : J. William Fulbright (D-Arkansas) (1905-1995). C’est lui le président du comité des affaires étrangères du Sénat des États-Unis. C’est aussi celui qui a eu le plus long mandat à ce poste de 1943 à 1975.

Le 10 novembre 1973, sur la question du pétrole, M. Fulbright déclare que les Arabes devaient traiter leur richesse pétrolière comme une « responsabilité internationale ». Sinon, les puissantes nations industrielles comme les Etats-Unis, pourraient riposter.

Source : https://www.nytimes.com/1973/11/10/archives/fulbright-supporting-kissinger-calls-for-a-compromise-peace-a.html

En clair, dans la mise à jour de son livre The Arrogance of Power, publié en 1967, Walter Fullbright ajoute en 1973, un chapitre intitulé : Intervention au Sénat des Etats-Unis novembre 1973, où il reporte ses propos pour menacer les pays arabes, s’ils ne veulent pas continuer de se laisser spolier par les Etats-Unis :

« Les producteurs Arabes de pétrole n’ont que des forces militaires insignifiantes dans le monde d’aujourd’hui. Ils sont comme de faibles gazelles dans une jungle de grands fauves. Nous devons, comme amis, le leur rappeler. Ils prendraient pour eux-mêmes des risques terribles s’ils en venaient à menacer vraiment l’équilibre économique et social des grandes puissances industrielles, la nôtre en particulier. »

La leçon sera très vite entendue. L’Arabie Saoudite s’engagera ainsi à ne vendre son pétrole qu’n Dollar américain, ce qui va donner aux Etats-Unis, un pouvoir inouï de frapper la monnaie sans se soucier de disposer son équivalent en or. Cela a pris le nom de Pétrodollars.

Mais pour y arriver, 15 jours après les menaces du sénateur, William Fullbright, c’est autour du président américain Nixon de monter au créneau pour compléter Fullbright.

Nous sommes le 25 novembre 1973.

Ce jour-là, le président des Etats-Unis, Richard Nixon se présente à la télévision et lit un message court qui sonne comme un avertissement à tout pays qui s’opposerait à sa propre spoliation par les Etats-Unis.

Voici ce qu’il déclare :


“Lorsque je vous ai parlé plus tôt, j’ai indiqué que la coupure soudaine du pétrole du Moyen-Orient avait transformé les graves pénuries d’énergie que nous attendions cet hiver en une crise énergétique majeure. Cette crise se fait maintenant sentir dans le monde entier, car d’autres pays industrialisés ont également souffert de réductions de pétrole du Moyen-Orient.

Les pénuries en Europe, par exemple, sont bien plus critiques qu’aux États-Unis. Déjà, sept pays européens ont imposé une interdiction de conduire le dimanche. Heureusement, les États-Unis ne sont pas aussi dépendants du pétrole du Moyen-Orient que de nombreux autres pays. Nous n’aurons pas d’interdiction de conduire le dimanche, mais comme vous l’entendrez plus tard, nous allons essayer de la limiter.
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Jean-Paul Pougala

Dimanche le 18/08/2024

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