Le dernier sommet de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) s’est tenu le 30 Juillet 2020. L’absence du président Paul Biya, comme d’habitude, a été très remarquée. Le vieux « Lion » s’est tissé une carapace d’absent devant l’éternel. Cette absence renforce les suspicions sur la santé du vieux monarque et interroge les esprits libres. Est-il vivant ou mort ? Cette question a le mérite d’être posée dans un État de droit où les apparitions de son chef s’apparente à la légende de l’Arlésienne.
Mais Paul Biya dont personne ne maitrise le calendrier va encore plus loin. La réunion du Conseil Supérieur de la Magistrature prévue le 6 Août est reportée au 10 Août. Cette réunion devait se tenir depuis trois ans et les promotions de magistrats désœuvrés attendent une hypothétique affection dans les antichambres de leur ministère. Les dossiers croulent dans les tribunaux, faute de magistrats. Notre pantouflard est le seul maitre de son calendrier pour diriger un État souverain. Le 10 août, un énième communiqué nous apprendra que le Premier Ministre présidera le Conseil Supérieur de la Magistrature. Paul Biya n’est pas disponible. Les absences de Paul Biya ne sont jamais commentées. Elles relèvent du secret ou de la discrétion de ce dernier. Dans un système où le silence des élites s’apparente à la soumission, à la peur et à la désertion, l’homme de la rue est sans espoir. Sans espoir face à un chef absent, indifférent, cynique, méprisant, voire inexistant. Un pays peut-il être dirigé par un fantôme ? Impossible n’est pas camerounais ! Ces absences successives sont aussi des signes de fin de cycle d’un système corrompu qui ne peux plus se réinventer.
Dans une démocratie digne de ce nom, un chef doit être aux côtés de son peuple. Si ce n’est pas le cas, il devrait démissionner et céder sa place. Le Cameroun, autocratie de toujours, déroge à cette règle. La vérité est que son président règne avec une cour qui fait la pluie et le beau temps. La question de l’incapacité physique ou mentale du président ne saurait se poser.
Sommes-nous condamnés à vivre sans réagir sous le rythme d’un président moribond dont la apparitions s’apparentes aux miracles de la résurrection du Christ ? Sans doute à Pâques !
Le jeu trouble de la France
Le sujet n’est plus tabou, mais il est hystérisé par le pouvoir. En attendant, la France se charge de préparer sa succession. À l’Assemblée Nationale Française, un débat a permis de livrer les conclusions d’une mission de parlementaires français de retour d’un « voyage de travail » au Cameroun. Les conclusions de ces « illustres parlementaires » soucieux du devenir de notre beau pays sont unanimes. Ces heureux députés ont demandé à l’Élysée d’anticiper la succession de Paul Biya.
Dans un langage clair, Paul Biya, à l’heure actuelle, ne remplit plus les conditions pour diriger le Cameroun. Une chose devrait cependant retenir notre attention. Pourquoi les députés français tire-t-il la sonnette d’alarme et non l’Assemblée Camerounaise ?
Le débat sur l’anticipation de la succession de Paul Biya est un sujet camerounais. Mais notre ecclésia ne répond de rien. La date et le choix du futur président obéissent à la volonté de la France et de ses intérêts. C’est encore là une preuve que nos indépendances en francophonie sont étriquées. Le successeur du fantôme de Yaoundé sera-t-il encore un poulain aux ordres de Paris pour servir ses intérêts ? Il faut mettre fin à cette immixtion.
Ce débat relance aussi le rôle ambigu des intellectuels et des élites en francophonie. Sont-ils libres, responsables et fiers ? Sûrement pas ! Bardés de « beaux diplômes » ils n’aspirent qu’à s’asseoir sur la table du grand maitre colon. Ce comportement trahit toutes les luttes d’indépendance vaillamment menées par l’Union des Populations du Cameroun (UPC) pour garantir à leur pays sa souveraineté, son indépendance et son développement durable et inclusif. N’est-il donc pas temps de mettre fin aux interférences de la France en Afrique francophone ? Ce sujet doit être débattu sans masque afin de clarifier le rôle de tous les intervenants de la nébuleuse françafrique tant décriée. Il faut avoir le courage d’en parler et de placer les africains devant leur responsabilité.
Et l’opposition ?
Pour ceux qui vivent sous les tropiques, il existe bel et bien une opposition politique muselée au Cameroun et soumise à une violence et à une colère punitive du pouvoir. Quel est son rôle ? Sur le plan national, elle ne peut s’exprimer. Elle est bâillonnée. La moindre manifestation publique est violemment réprimandée. La moindre revendication la conduit droit dans les geôles déjà très infectes et remplies de délinquants, de voyous, de prisonniers politiques, de journalistes et de corrompus. Les prisons infâmes sont à l’image d’un pays qui se meurt.
Le pouvoir RDPC a réussi à créer un climat de suspicion qui étouffe toutes critiques du pouvoir. Les télévisions qui se libèrent offrent aujourd’hui des débats contradictoires. Mais, ne franchissez pas le Rubicon. La police veille dans ce pays militarisé. C’est ce que l’on appelle une démocratie de façade que vante l’équipe de Paul Biya après quarante années de pouvoir sans partage.
Cette opposition que nous voulons unie pour combattre pacifiquement un pouvoir usé déçoit l’homme de la rue. Elle se déchire. Dans ses rangs, elle compte beaucoup de partisans infiltrés du pouvoir. Ces iconoclastes ont fait allégeance au pouvoir et ne s’en cachent pas. Leur rôle est clairement défini. Il faut casser l’opposition. Il faut discréditer ceux qui ne se soumettent pas.
C’est dans ce tintamarre qu’émerge le MRC. Son leader, Maurice Kamto, à qui on reproche de ne pas faire allégeance à la France est devenu la cible principale du pouvoir et de tous les opposants. Ce jeu trouble n’échappe à personne alors que la monarchie vacille. Il est temps d’en finir avec le pilotage sans visibilité d’un pouvoir cynique et corrompu.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste