Le « Dialogue national » imposé à Paul Biya par la communauté internationale, sous l’égide de la Suisse, trahit une fois encore, la fragilité, la vulnérabilité, la servitude volontaire et les errances des dictatures africaines. Le Cameroun est la parfaite illustration de ces régimes qui survirent par la volonté des maîtres occidentaux qui atrophient les libertés élémentaires de l’Afrique.  

Peut-on parler de dialogue national inclusif si certains sujets importants ont été balayés des conclusions finales ? C’est le cas du fédéralisme proposé comme la seule solution à la crise anglophone et qui a été écartée du grand dialogue au dépend de la décentralisation qui n’est pas adaptée au Cameroun. La libération des prisonniers a été éclectique.

Certains membres du MRC croupissent toujours en prison. Pendant ce temps, des lobbys s’affichent sans retenue pour demander la libération des délinquants économiques. Quel foutoir !

Touché par l’état de grâce depuis son accession à la magistrature suprême, Paul Biya ne peut ignorer aujourd’hui l’essoufflement du système qu’il a mis en place et qui laisse entrevoir des positions inconciliables entre lui et son peuple. Pour sauver son trône vacillant, Paul Biya, l’homme lion, a fait malgré lui, des concessions à ses maîtres. Il a été sommé de libérer les opposants politiques car il est devenu, avec l’usure du pouvoir, persona non grata en Occident. En retour, le voilà réhabilité momentanément sur la scène internationale. Pour le prouver, il est enfin sorti de sa tanière afin de rencontrer son homologue français, Emmanuel Macron, à Lyon, en marge de la conférence du Fonds
mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. À l’occasion, ils ont évoqué la mise en œuvre des conclusions du « Grand dialogue national » au Cameroun.  

Mais nul n’est dupe ! Faut-il pour autant conclure que Paul Biya a encore roulé « dans la farine » l’opposition politique et ses maîtres ? Certainement pas ! Les gestes d’apaisement ne suffisent plus à calmer ou à taire une population jeune, lassée d’un pouvoir moribond qui continue à s’accrocher.

Seule une transition pacifique du pouvoir peut mettre fin aux revendications populaires qui s’affirment au grand jour. Mais un problème se pose. Qui sera le grand prétendant ? Paul Biya, en vieux renard, n’a pas préparé sa succession. Son parti-État, le RDPC est à bout de souffle et ne peut légitimer un candidat issu de ses rangs. Il est miné par une pratique à grande échelle de la corruption qui le décrédibilise aux yeux de l’opinion publique.

L’opposition peut-elle profiter de ces errements pour placer ses pions sur l’échiquier national ? Rien n’est gagné d’avance même si Maurice Kamto, enfin libre, fait figure de favori.
En effet, au Cameroun, le terrain politique est d’avance balisé par la colossale gangrène du tribalisme. On voit ici et ailleurs les caciques brandir la menace d’un pouvoir bamiléké. Ce jeu de dupe prend toute son essence dans la politique que Paul Biya a savamment conceptualisée et mise en place pour s’éterniser au pouvoir : diviser pour régner ! La formule n’a pas pris une ride au Cameroun dans un pays où la dépense éducative est en berne.  

Le Cameroun est-il prêt à élire un président sans tenir compte de son appartenance ethnique ? Voilà le grand dilemme.

Si Paul Biya, en fin de règne ne se connait aucun successeur, nous ne pouvons ignorer que ses jours sont comptés. L’opposition, si peu fertile en propositions et jusqu’ici muselée, devrait saisir ces moments de vide politique pour bâtir une coalition qui prendrait en compte la valeur intrinsèque de ses prétendants et non leur appartenance ethnique. Le pays a déjà trop souffert de ses incompétents parachutés singulièrement à des postes de responsabilité où la corruption plonge le pays dans les abîmes.

Conscient de ses faiblesses et de son incompétence, le pouvoir actuel cherche à prolonger son règne. Il a commencé à nommer, à des postes de responsabilité, les enfants de ses pontes. Cette politique de la fuite en avant est vouée à l’échec. Mais elle mérite d’être soulignée car le temps est favorable à une alternance pacifique.  

L’après Biya se prépare déjà. Pour les analystes de la géopolitique, les dés sont jetés. Qu’est-ce qui en sort ? Des noms « coptés » par la France et qui ne correspondent pas au choix des camerounais. Cette ingérence manifeste n’est plus tolérable. Les camerounais ont le droit de choisir librement leurs dirigeants. Le choix des vassaux ne fera qu’amplifier la pauvreté qui est responsable de l’exil d’une jeunesse compétente à l’heure où les grands équilibres planétaires sont difficilement maîtrisables.

Paul Biya n’a pas sauvé son trône en introduisant un faux « Dialogue National ». Les conclusions de ce dialogue nous laissent augurer de nouvelles batailles dont les issues sont imprévisibles.
 
 
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste

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