Il y a quelque chose de récurrent dans le long et cynique règne de Paul Biya au Cameroun : Les promesses non tenues. Serait-il l’adepte de cet homme politique sulfureux et français, Henri Queuille, qui disait « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » ? Faut-il pour autant déduire que le président camerounais en a fait sa devise pour régner aussi longtemps auprès d’une population infantilisée à loisir ?
Amateur des mots d’esprits, très souvent vachard et ironique, sans oublier d’être grivois, Georges Clemenceau fit ce curieux parallèle pour définir les régimes dictatoriaux : « Les dictatures, c’est comme le supplice du pal : elles commencent bien mais elles finissent mal ».
En rester à ce constat serait toutefois négliger la détermination d’un homme de 84 ans, décidé à aller jusqu’au bout de son mandat. Cette volonté suicidaire ne prend pas en compte l’usure naturelle, c’est-à-dire physique et mentale. Pour le camerounais de la rue, convaincu que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, le règne de Paul Biya est une volonté divine. Ici aussi, l’église a bien fait son travail de formatage de l’esprit là où les intellectuels ont capitulé.
Il nous revient à l’esprit, dans un passé si récent encore, l’engagement de Paul Biya à offrir aux camerounais désœuvrés, la CAN (Coupe d’Afrique des Nations). Engagement non tenu. Comme à l’accoutumée, Il ne s’est jamais expliqué sur cet échec cuisant.
Encore un engagement sans calendrier
De la parole aux actes ? Ce serait aller vite en besogne. L’homme lion n’a jamais tenu ses engagements. Ses promesses ne sont soumises à aucun calendrier. Il cultive à merveille l’art du pourrissement dont raffolent les camerounais. Au cours de son intervention langoureuse et poussive au Forum de la Paix, Paul Biya s’est engagé à offrir un statut particulier aux provinces anglophones. Que contient ce statut ? Encore une coquille vide et sans calendrier ? Face à une assistance non acquise, Paul Biya a parlé de paix dans le monde et de paix dans son propre pays. Il faut dire que le Cameroun, autrefois havre de paix, est confronté à une grande pauvreté. La délinquance s’est installée et vient s’ajouter à deux guerres. Les moyens militaires mis en place ne donnent pas les résultats escomptés. Le pouvoir central de Yaoundé s’est-il posé de bonnes questions ? Au Nord du pays où sévit Boko Haram, une jeunesse désœuvrée tend les bras aux terroristes. Dans les territoires anglophones, la guerre est sans issue. Ces doutes confortent le pessimisme des premiers jours où les armes devaient laisser la place au dialogue des braves.
Pour autant, peut-on totalement séparer les deux fronts de guerre ? La pauvreté, la misère sociale, la maladie, le banditisme des cols blancs et des désœuvrés sont les conséquences des politiques mises en place et de la mauvaise gouvernance qui ont fatalement échoué.
La militarisation du Cameroun ne saurait cacher l’essoufflement d’un régime qui n’a pas su faire un diagnostic approfondi du pays. Aujourd’hui, l’opposition moribonde et soumise n’a toujours pas le droit de se réunir et d’organiser des meetings. La liberté acquise par la guerre d’indépendance est bafouée. Cette fin de règne calamiteuse devient un chemin de croix pour le parti-État RDPC qui continue à ronronner. Mais pour combien de temps ?
Les promesses de Paul Biya ne suffisent pas à relancer le moteur économique grippé par la corruption, les blocages administratifs et claniques, le tribalisme instrumentalisé ou la répression policière.
C’est dans ce contexte social frileux que Paul Biya a choisi d’annoncer des élections législatives et municipales dans tout le pays. Pour lui, la sécurité décrétée en zone anglophone permettra des élections transparentes, libres et crédibles.
L’urgence calendaire peut-elle justifier ce rixe politique qui vient s’ajouter à l’éternel problème des listes électorales bâclées et jamais mises à jour ? L’opposition moribonde saisirait-elle ce couac juridique pour décrédibiliser un système rompu aux entourloupettes ?
Il n’est pas légitime de soumettre aux camerounais des élections qui ne peuvent garantir ni un nouveau cap politique, ni la transparence, ni la liberté.
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste