(Éditorial)
Malgré une habile mise en scène du gouvernement, l’incertitude demeure à l’approche des prochaines élections législatives et municipales de février 2020 au Cameroun où l’année 2019 a été marquée par des crises sécuritaires et une profonde crispation politique. Ce double scrutin, boycotté par le principal parti d’opposition ne saurait étouffer un climat politique mal-en-point.
2020 devrait être le « champ du possible » dans un contexte politique plus que jamais ouvert et où l’opposition politique a une carte à jouer. Mais les conditions sont-elles réunies pour un contre-pouvoir démocratique ?
Les prochaines échéances électorales ne sauraient masquer les égarements d’un système peu enclin à l’autocritique. Est-il raisonnable d’organiser des élections en zone de guerre ? Quelles crédibilités auraient alors les résultats prévisibles ?
La méthode du gouvernement est critiquable. Cette marche en avant depuis quatre décennies trouve aujourd’hui ses limites. L’occasion ici est fort belle pour se réinventer et écouter les autres sons de cloche. Les appels au boycott du double scrutin se multiplient. Le pouvoir politique a perdu la raison.
Droit dans ses bottes, l’État-parti RDPC poursuit sa marche suicidaire. Il est suivi par une prétendue opposition habituée de la mangeoire qui s’accrochent à des miettes et qui manque cruellement de discernement. Au bout du compte, la maigre récolte offre des papilles et des titres gonflants : Honorables, Majestés, Maires, Conseillers municipaux. Tous ne disposent d’aucun pouvoir, encore moins de la liberté de proposer ou de critiquer.
La politique clientéliste du pouvoir décrédibilise tout un pays. L’opposition commence à prendre ses marques. Elle est guidée par la raison qui finit toujours par l’emporter. C’est ce que nous appelons le « Cercle honni de la raison » que le pouvoir ne cesse de présenter comme des aventuriers. Car il faut le souligner, ce pouvoir a toujours étouffé ses enfants qui ne demandent qu’à participer à la construction d’un pays exsangue. Le mensonge consensuel de la classe dirigeante a écarté De la scène politique les têtes pensantes et indociles. La médiocrité s’est installée avec un langage ordurier, outrancier et vulgaire qui étouffe la bienséance. L’argent n’ayant pas de couleur, une nouvelle classe de politiciens véreux va envahir l’Assemblée Législative. Elle prend soin d’inonder les pauvres de cadeaux de circonstance pour poursuivre en toute impunité leurs besognes macabres et mafieuses. Ces affairistes peu scrupuleux prennent la place des penseurs. Le pays devient otage d’un gang.
Malgré l’anathème jeté sur les braves et vaillants opposants politiques, les changements sont en cours. Rien ne saurait les arrêter. Maintenir les élections dans un contexte social en crise est un acte de pure folie. Il faut mettre fin à cette mascarade. Le pouvoir peut le faire. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? La fuite en avant…
Le pouvoir est conscient que ces élections à la hussarde terniront encore son image déjà si peu reluisante. Mais il fonce, tel un train qui a usé ses freins, vers un mur. Il est incapable de se désencombrer des fantasmes qui l’accompagnent et qui, aujourd’hui, sonnent le glas.
Au Cameroun, choisir la voix de la raison, c’est-à-dire celle d’une opposition constructive, c’est subir au quotidien son lot d’humiliations, d’insultes, de violences policières, d’emprisonnements arbitraires, de séquestrations et une campagne médiatique destructrice. Mais tout cela ne suffit plus à taire les âmes bien-pensantes, stigmatisées et marginalisées qui œuvrent, jour et nuit, à réaliser le rêve des pères fondateurs de ce pays.
En effet, la raison qui anime l’opposition politique est la seule faculté pour expliquer et comprendre la nécessité d’une nouvelle politique qui va rassembler tous les camerounais et développer une nouvelle dynamique pour réinventer un pays à court d’idée. Cette dynamique est cruciale pour affronter les enjeux économiques et sociaux de ce siècle qui débute à peine et qui nous offre de larges perspectives de développement en nous débarrassant de la tutelle néocolonialiste.
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste