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Après avoir épuisé tous les gisements connus, découverts par les colons au 19ème siècle, le Cameroun se lance, de la pire des mauvaises manières, dans l’inventaire de son potentiel minier, sans aucun spécialiste dans le domaine.
Peut-on par un simple décret procédé à une telle lourde évaluation? Manque t-on à ce point là des spécialistes du domaine dans ce pays?
Développons:
Le 1ier Juillet 2024, le ministre intérimaire des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique (MINMIDT) a installé un comité d’évaluation du potentiel minier du Cameroun ; pour dit-il mettre tous les camerounais au même niveau d’information.
Ce comité qui est en majorité composé des fonctionnaires (ingénieurs des mines, économistes, juristes, statisticiens etc…) auront un mois pour rendre leur rapport.
Les jeux sont faussés dès le départ..
Quand un haut fonctionnaire du ministère des mines déclare ceci : « « Après cinq ans d’études avec l’appui de la banque mondiale on a mis en évidence plus de 300 nouveaux gisements dans 5 régions », je me pose une seule question ; qui a laissé ce haut fonctionnaire vomir autant d’énormité? Même la RDC et en Afrique du sud qui sont les plus grands pays miniers d’Afrique non pas 300 gisements miniers. Il est clair que nos géologues, les conseillers techniques du ministère confondent les indices miniers aux gisements miniers, ce qui est très dangereux car cette évaluation au lieu d’informer le peuple sur le potentiel minier réel du Cameroun, pourrait plutôt faire voir un avenir meilleur au peuple à travers une désinformation orchestrée.
En effet qu’est-ce qu’un gisement minier ?
Il s’agit d’une concentration en minéraux ou métaux suffisants pour être économiquement exploitable. L’exploitabilité dépendant de nombreux facteurs économiques et politiques, une minéralisation peut être économique un jour et ne plus l’être après.
Et qu’est-ce qu’un indice minier ?
Il s’agit de l’indication de la présence d’une minéralisation, c’est à dire une concentration supérieure à la normale pour un ou plusieurs minéraux ou éléments chimiques. Les indices sont généralement mis en évidence lors de levés géologiques ou d’inventaire des ressources minérales. Un indice minier n’a en soi aucune valeur économique.
Au regard des deux définitions ci-dessus, quand à la base on confond déjà les gisements aux indices ; à quoi doit-on s’attendre du comité d’évaluation du potentiel minier du Cameroun ?
Rappel sur la notion du potentiel minier
Le potentiel minier d’un pays est une notion relativement abstraite, particulièrement au Cameroun où l’activité minière n’a jamais réellement atteint un stade industriel, et où d’autre part, les minéralisations primaires n’ont été que marginalement exploitées. Un potentiel minier évalué pour une région et pour une ressource donnée, est l’estimation d’une probabilité de découverte de gisement, probabilité plus ou moins forte suivant le caractère jugé favorable ou non des formations géologiques de la zone en question vis-à-vis de l’occurrence économique de la ressource envisagée. L’évaluation d’un potentiel minier est basée sur un ensemble d’indices : existence d’exploitation minière déjà établies dans le secteur, connaissances acquises par les recherche minières, rapprochements effectués avec des régions analogues d’un point de vue géologique, théories métallogéniques etc…
Le potentiel minier d’un pays n’est jamais une certitude, et peut être réévalué au vu de découvertes de type de gisements nouveaux, de réinterprétations géologiques ou de théories métallogéniques nouvelles, de modification des conditions technico économique d’exploitation minière….
L’évaluation du potentiel minier d’un pays est un exercice nécessaire et très important, sauf que cette évaluation doit avoir des objectifs àcaractère de mieux promouvoir aux futurs investisseurs des opportunités minières du pays et non à caractère plutôt informatif pour le peuple. Dans ce cas on ne parle pas d’une évaluation du potentiel minier mais plutôt une consultation publique.
Le Nigeria tout comme le Cameroun vient aussi de lancer une évaluation de son potentiel minier ; à la différence du Cameroun ils ont eu une approche d’un pays qui sait exactement ce qu’il veut de son secteur minier ; car comme le Cameroun ,le secteur minier du Nigeria ne contribue qu’à hauteur de 1% du budget national.
Au Nigeria ils n’ont pas installé un comité(budgétivore) de fonctionnaires pour les faire asseoir dans les bureaux climatisés avec des jetons de participation qui nous donnerons des vertiges ; mais ils ont plutôt sécurisé un financement de près de 4 milliards de dollars pour effectuer de la prospection, de la recherche sur toute l’étendue du territoire nigérian, car pour faire la promotion de son secteur minier il faut avoir une base de données technique très riche. Par contre au Cameroun nous voulons développer notre secteur minier avec des conférences (CIMEC)), des séminaires inutiles ,des comités d’évaluation dont le rapport ne servira à rien(car il y’ a eu d’autres évaluations, le plus récent était en 2019) ; en fait ça donne l’impression que ce n’est qu’un moyen pour dilapider de l’argent du contribuable camerounais. Si nous étions sérieux et voulions vraiment développer notre secteur minier et le rendre plus attractif, nous devrions d’abord commencer par les fondamentaux, c’est-à-dire la prospection ,la cartographie, la géophysique , la recherche et l’exploration pour en faire une base de données propre à nous, que nous contrôlons et maitrisons.
De quelle évaluation parle-t-on ?
Faire une compilation des données littéraires basées sur des informations qui datent de plus de 50 ans et qui furent rédigées par les français et autres…
Le Cameroun en tant qu’Etat n’a aucune base de données géologique dont nous sommes les initiateurs, toutes les informations géologiques qu’il détient viennent des structures étrangères, de la banque mondiale, du BRGM, des américains etc.. car ils maitrisent mieux que nous le potentiel de notre sous-sol…
Le Cameroun a définitivement une connaissance très approximative de son propre sous-sol ; la raison est simple, nous sommes incapables de mettre des équipes sur le terrain , leur donner des moyens nécessaires qui permettraient d’avoir une connaissance meilleurs de son sous-sol ; ce pays est un éternel rentier; nous laissons les autres faire pour nous et la conséquences est que ceux-là ne nous disent jamais tout( exemple le gisement polymétallique de fer de lobe-Kribi, ou les chinois n’ont pas déclaré le potentiel énorme de l’or qui s’y trouve).
Le Cameroun doit mettre à la disposition de ses géologues, ingénieurs des moyens et de la ressources suffisante pour la connaissance et l’évaluation du potentiel miner de notre sous-sol ; ça ne sera pas un travail d’un mois , c’est un travail qui s’étendra sur plus de 10 ans et qui nous permettrait de mieux connaitre notre sous-sol , son potentiel minier , d’avoir le contrôle et la gestion de nos richesses minières afin de mieux négocier des contrat miniers.
Nous avons des pays comme la Guinée Conakry où un seul projet de fer, celui de Simandou, verra la multinationale canadienne Rio Tinto investir près de 20 milliards de dollars pour son développement ,nous avons à côte du Cameroun le Gabon à travers son projet de fer Belinga qui verra le groupe minier Australien Fortescue investir près de 6 milliards dollars pour développer Belinga avec 4000 emplois direct qui seront créés ; nous avons la Cote d’ivoire qui est devenu l’un des pays francophone leader en exploitation minière ou chaque année il y’a au moins 2 gisements d’or économiquement rentable qui sont découverts et depuis 5 ans chaque année au moins un projet d’Or rentre en production ; je ne veux même pas parler des pays tel que le Mali, Burkina-faso, le Niger, le Sénégal. Pour la RDC, c’est un pays minier spécial, c’est la Mecque des mines et j’invite chaque acteur du secteur minier camerounais à y faire un tour pour voir une mine moderne en opération, à quoi ressemble un pays minier ; ça permettra à certain de cesser de continuer à vomir des énormités telles que « le Cameroun est un scandale géologique » dans quoi ???
Soyons sérieux. Si le Cameroun est un scandale géologique ça voudrait tout simplement dire que toute la planète terre en est une. Nous sommes un pays où on pense tout faire sur décret mais sachez que dans le secteur minier seul le décret ne fait pas l’affaire.
Le Cameroun a eu de la chance tout récemment d’avoir une multinationale le Groupe Français ERAMET présent au Cameroun, qui devait être la vitrine de notre secteur minier, le rendre plus attractif ,malheureusement nous avons été incapable d’accompagner Eramet dans le projet de rutile d’Akonolinga.
Eramet aurait pu ne pas quitter le projet si ceux qui étaient impliqués dans ce dossier étaient des patriotes, pensaient d’abord aux intérêts du pays , pensaient au développement du secteur minier, pensaient à nos jeunes géologues et ingénieurs des mines que nous formons chaque années ; mais ils ont mis leurs intérêts personnels en avant et ont laissé partir ERAMET, parce qu’ils avaient déjà un repreneur du projet (apparemment des Chinois) sous la main.
Les difficultés auxquelles sont confrontées notre secteur miniers est la mauvaise gouvernance et les mauvaises pratiques.
On veut même évalué quoi ?
Pour effectuer une évaluation il faut avoir exécuté des activités techniques (cartographie, géochimie, géophysiques sondages etc..), en gros il faut une bases des données assez fournie et riche ; une évaluation du potentiel minier est un travail très technique et non littéraire.
L’objectif de l’évaluation, la composition du comité chargé de l’évaluation, le timing donné à ce comité pour remettre son rapport, nous amène à conclure déjà que la montagne accouchera d’une souris; c’est encore une preuve du manque de sérieux dans ce que nous faisons.
Tous les gisements connus (bauxite- mini martap et fongo tongo, fer- mballam, lobe, nkout, ngovayan), diamant(mobilon), Or(alluvionaire) etc..)ont déjà fait l’objet d’attribution aux compagnies étrangères principalement aux chinois et indiens,Il ne reste plus rien sauf des indices sur lesquelles il faut effectuer un travail sérieux et avoir de la chance d’aboutir àdes gisements économiquement rentables. L’expérience dans la recherche minière a montré que sur 100 indices minièrs on arrive difficilement à5 gisements miniers découverts.
Le Cameroun est l’un des pays de l’Afrique sub-saharienne le moins attractif en ce qui concerne la destination minière pour investissement étranger. Que personne ne vous trompe,la preuve en est que 60 ans après les indépendances, le Cameroun n’a aucune mine à ciel ouvert ou souterraine en production. Nous avons juste des chinois qui pillent de l’or alluvionnaire dans la région de l’Est a travers des exploitations semi-mécanisées et de l’utilisation de l’acide pour extraire de l’or dans le concentré de sable avec toute la catastrophe environnementale qu’ils laisserons derrière eux.
Le Gouvernement Camerounais, au lieu de lancer un inventaire de son potentiel minier, aurait mieux fait de lancer un audit de son cadastre minier et de ses conventions minières, car plus de 90% des titres miniers au Cameroun sont attribuées aux aventuriers, aux spéculateurs , aux sociétés qui sont incorporées dans les iles vierges et paradis fiscaux ; qui n’ont ni capacité technique encore moins financière pour faire de la recherche ou développer un projet minier ; toutes nos conventions minières signées sont léonais , ne répondent pas aux intérêts de la nation et de son peuple.
L’Evaluation « littéraire » du potentiel minier lancée par le Gouvernement Camerounais enfoncera davantage le secteur minier du pays ; nous mettra à la merci du merdier chinois et indiens que l’on nous sert en ce moment.
Dr Bareja YOUMSSI
Expert en mines et pétrole
Enseignant-Chercheur