Et si l’opposition camerounaise s’unissait ?
Par Michel Lobé Etamé
La politique camerounaise n’est fondée sur aucun dogme. Elle repose sur la gestion du quotidien, de la rumeur, des soubresauts, des violences et du mensonge. Pour y parvenir, le système en place a développé un clientélisme populaire qui implique le plus grand nombre. Ainsi, tout le monde est invité à table avec des titres ronflants. Mais à une condition : dénoncer l’autre. Qui est donc l’autre ?
C’est à ce stade que le système crée lui-même ses partisans les plus farouches qui montent singulièrement au créneau, c’est-à-dire ceux qui sont prêts aux sacrifices et ceux qui sont déterminés à s’agripper, même sur les strapontins. Cette catégorie constitue le plus gros cortège et le moins influent. En effet, elle n’est jamais invitée dans le cercle réduit du prince.
Dès lors, ces sacrifiés volontaires ne se satisfont pas seulement de leur piètre rôle. Ils constituent en permanence le trait d’union avec le deuxième cercle de l’antichambre présidentielle qui sait souffler le chaud et le froid. Ce panier de crabes est passé maitre dans l’art de véhiculer une rumeur qui devient très vite une « vérité absolue ».
Comment, dans ce cas, distinguer le vrai du faux ? Là encore, le pouvoir ne manque pas d’imagination. Il intoxique la population avec ses « vérités » d’un jour et ses contradictions du lendemain. L’information devient opaque et incontrôlable. La rumeur, ce poison insolent, s’installe en attendant l’information officielle qui ne viendra jamais. Le pays est ainsi plongé dans le doute et la peur. Un climat délétère s’installe. La confiance est ébranlée. Qui est à l’origine de la rumeur ? Tout le monde devient suspect. Et tout le monde a une information de source sûre.
Ce climat anxiogène fait le bonheur du pouvoir. Il sème la zizanie dans la population et l’opposition. Car, il faut le rappeler, quelques opposants au système sont très souvent des alliés du pouvoir. En période électorale, ils forment le cortège des putatifs. Leur rôle est d’infiltrer et de discréditer leur propre camp. Ce rôle ingrat n’est pas sans risque. Ils sont très souvent démasqués. Mais ils n’en démordent pas. Opposants le jour, la nuit, ils deviennent les alliés du pouvoir et sont rémunérés dans les antichambres.
Le problème de l’opposition est bien connu. Ce n’est pas sa désunion chronique, mais sa faiblesse. Celle-ci est la conséquence des brutalités policières infligées à la moindre manifestation pacifique garantie par la constitution et par le droit international des droits de l’homme.
Aujourd’hui, il ne suffit plus de dénoncer ce que tout le monde sait. Il faut proposer une alternative au pouvoir politique en place par un projet commun de gouvernement.
Un précédent à retenir
L’opposition s’est réunie pour une cause commune le 1er avril 2021 : la révision du code électoral. Et si elle saisissait cette opportunité pour aborder tous les sujets qui la divisent ? Elle pourrait enfin s’unir et parler d’une même voix. Elle a en commun de nombreuses convergences qui ne demandent qu’à consolider leur union. C’est un précédent, me direz-vous ! Mais c’est aussi un signe avant-coureur d’un changement de mentalité car le code électoral actuel est vicié. Il ne peut permettre aucun changement de majorité.
L’opposition peut-elle réellement exister pour une fois ? L’amorce d’un dialogue peut-elle se transformer en une relation durable ? Est-ce le prélude d’une union sacrée ? Certes, comme dans toutes les unions, les désaccords sont nombreux. Ils peuvent être surmontés pour l’intérêt de la nation. Cette opposition peut sortir victorieusement du cercle du dépit, de la déception et du simulacre. Elle doit prendre son mal en patience. Elle a le temps.
Mais l’urgence est là. Sept partis d’opposition ont échangé pour mettre sur pied un projet de réforme du code électoral. Il y avait Cabral Libii (PCRN), Joshua Osih (SDF), Pierre Kwemo (UMS), Tomaino Ndam Njoya (UDC), Maurice kamto (MRC). D’autres noms vont bientôt s’ajouter à cette brochette de leaders tels que Edith Kahbang Walla (CPP), les leaders du Nord et ceux des régions du NOSO.
Il y a là matière de se réjouir pour encourager les opposants à mener un combat pacifique sur les idées.
Le chemin de conquête du pouvoir est long. Il est semé d’embuches. Mais la détermination des femmes et des hommes pour un Cameroun nouveau n’aboutira que si une femme ou un homme se détache pour conduire une équipe qui gagne. Cet homme est parmi nous. Devinez qui…
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant