L’ile aux yeux d’or
L’appellation “bois des singes” est la plus répandue et la plus connue aujourd’hui. On s’imagine bien que ce n’est pas la dénomination traditionnelle de ce grand espace! La communauté Bell désignait cet ensemble par Dinde.
La Maetur s’était intéressée à cette presqu’ile de Dinde à l’allongée de Bonapriso, au début des années 1980, en faisant mener une étude de préfaisabilité d’aménagement d’un vaste espace composé de marécages et de mangroves, après réalisation de remblais hydrauliques. Cette opération devrait être adossée sur l’entretien du chenal du Wouri, voie de passage des bateaux entre le port de Douala et l’estuaire du Cameroun. Le projet était plus grand et nécessitait des financements beaucoup plus importants.
A la tête de la CUD, le colonel Etonde alors Délégué du gouvernement dynamique et visionnaire avait rêvé faire de Douala une cité moderne. A partir des ‘bois de singes’, faire surgir d’une mangrove insalubre une cité aux allures de Venise tropicale. Construire une ville où l’on a du plaisir à vivre. « Sawa Beach », était le titanesque projet initié par le colonel à la retraite Edouard Etondè Ekoto en 2004.
L’ancien délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala rêvait d’un centre d’affaires (hôtels, palais des congrès, centre culturels, etc.), d’une zone administrative, d’un port de plaisance, d’une base nautique, des espaces verts et jardins publics, d’un parc d’attraction, des espaces commerciaux et résidentiels, des logements sociaux au nombre de 10 000, etc. Le tout construit sur 1000 hectares entre le port et l’aéroport.
Lors de campagne électorale à Douala, en vue de la présidentielle d’octobre 2004, Edouard Etondè Ekoto présentait ce projet à Paul Biya en ces termes : «C’est le projet «Paul Biya» par excellence à Douala. Celui que vous laisseriez à la postérité, puisqu’il est appelé à se dérouler sur 10 à 20 ans sur une superficie de 1000 hectares qui vont nous relier enfin à la mer. Ce projet n’a pas de prix. Il n’a pas de coût. Il règlera en même temps l’essentiel des problèmes d’emplois, l’essentiel des problèmes de logements et de bureaux, de jardins, parcs de loisirs et autres espaces de pacification sociale».
Paul Biya promettra de veiller à sa réalisation. Mais, le départ d’Edouard Etondè Ekoto de la Communauté urbaine de Douala en 2006 va freiner le projet qui sera mis au placard. Le partenaire canadien Pan-Isox, qui s’était proposé de le concrétiser attendra en vain la participation financière du Cameroun.
Aujourd’hui, Douala ressemble toujours à une symphonie inachevée, une fusée qui depuis 1910 cherche son orbite au milieu des obstacles placés sur sa trajectoire et celle de ses pilotes… Parce que « quand Yaoundé respire, le Cameroun vit ».
Selon nos informations, le vieux colonel s’entendra demander : « Où est la part de Yaoundé dans ce que vous voulez faire ? »
Le coût total du projet était estimé à 100 milliards FCFA et les recherches de financement par l’initiateur avaient trouvé un écho favorable chez des investisseurs canadiens.
La nature ayant horreur du vide, aujourd’hui des transactions foncières en marge de la légalité s’y déroulent de manière frénétique, avant même la donation gouvernementale de 1570 hectares. Les intérêts son énormes et attirent même l’attention de banquiers capés.
Face à la fronde menée par quelques élites qui entendent veiller à la régularité des opérations de partages au profit des 12 chefs de familles Bonanjo, le chef du canton est accusé de rouler seul avec des accompagnateurs de l’ombre. Les ‘opposants’ se sont entendus dire par un agent des Domaines : « les gens ne peuvent pas avoir mis leur argent obtenus à la sueur de leur front et vous venez leur empêcher d’atteindre leurs objectifs, c’est comme çà que les gens meurent souvent en série » !
Mais l’affaire ayant pris d’autres proportions, la chefferie a sorti un communiqué invitant les parties concernées à des discussions ‘familiales’. Pour l’instant, Le camp des frondeurs qualifiés ‘d’opposants’ ne se bousculent pas pour répondre au chef Bell : « les surfaces octroyées aux chefs de famille ne reflètent pas les informations contenues dans le journal des services des domaines du Wouri. L’esprit de la lettre du MINDCAF qui est l’élément fondamental sinon déterminant est toujours bafoué et non respecté »
Mais la perche du chef de canton reste tendue : les indécis hésitent : vont-ils rejoindre le camp de la chefferie qui a les bonnes cartes (argent et pouvoirs) en mains ?
D’autres veulent opter pour une approche consensuelle : être dans la maison et négocier intelligemment. « On ne lutte pas contre l’argent et le pouvoir de corruption qui va avec ».
Surtout que les ambitions de la chefferie pour une ville nouvelle sont difficiles à réaliser. A peine 30% de ce site est exploitable. Avec le cout et une expertise non avérée, c’est un projet qui ne peut voir le jour avant une vingtaine d’années. Il faut alors craindre que derrière le château que l’on ferait miroiter au chef, se cache une opération main basse sur les terres Bonanjo. Comme au bon vieux temps…
Edouard Kingue