Augmentation du prix de l’électricité : Autopsie d’une genèse et de la mauvaise gestion de
la SENELEC sous Macky Sall (Cellule des Cadres, la République des Valeurs)
Nous avons révélé dans un précédent article que l’augmentation du prix de l’électricité décrétée
par Macky Sall en décembre dernier était une condition de la Banque mondiale pour un prêt de
US$ 180 millions. Dans cet article, qui entre dans la série d’analyses que nous ferons des
problématiques de ce secteur, nous présentons les diagnostics de la Banque mondiale sur la
sévérité de la mauvaise performance du secteur de l’énergie que l’institution pointe du doigt pour
justifier de l’augmentation du prix de l’électricité aux usagers. Ce diagnostic est tiré du
document de prêt pour les US$180 millions intitulé « Troisième Prêt de Politique Publique
Multisectorielle » (TP3M) et de l’analyse des experts de la République des Valeurs.
Ce document de prêt est négocié et validé avec le gouvernement du Sénégal qui souscrit donc au
diagnostic et à l’évaluation que la Banque mondiale fait du secteur de l’énergie. Cette évaluation
de l’institution de Bretton Woods est sans appel sur les échecs de la Présidence de Macky Sall : «
Le secteur de l'énergie au Sénégal nécessite une transformation profonde pour le rendre
financièrement abordable pour le pays. Il s'agit d'une priorité macroéconomique nationale. »
(Page 22 du TP3M). Après huit ans au pouvoir, Macky Sall a donc échoué à gérer le secteur de
l’énergie de manière efficace et transparente, lui qui devait bien mesurer les enjeux en sa qualité
d’ancien DG de Petrosen, Ministre de l’Energie, Premier Ministre, Président de l’Assemblée
Nationale. Cet échec s’observe sur toute la chaîne du secteur de l’électricité, de la production en
passant par le transport et la distribution :
La SENELEC gaspille au moins 175 milliards de F CFA chaque année à cause d’un
parc de production surdimensionné et trop coûteux : Le coût de production de
l’électricité au Sénégal est deux fois plus élevé que dans des pays comparables (page 22
du TP3M). En effet, la SENELEC dépense 141 F CFA pour produire un kilowattheure
(US$ 0,24/kilowattheure avec un taux de change de 588 F CFA au Dollar US d’après le
document officiel de la Banque mondiale) alors qu’il devrait allouer moins de 59 F CFA
pour produire un kilowattheure. Donc pour produire de l’électricité, la SENELEC
dépense 175 milliards F CFA de plus qu’elle ne devrait chaque année (surcoût de 82 F
CFA/kilowattheure * production de 2140 gigawattheure en 2017 d’après le rapport
annuel de la compagnie). Les experts de la Banque mondiale associent ce surcoût à la
dépendance de notre pays au fioul lourd mais estiment que le coût de production ne
pourra pas descendre en deçà de 100 F CFA le kilowattheure d’ici 2026 (US$
0,17/kilowattheure) sous les hypothèses que notre production de gaz est lancée et que les
infrastructures nécessaires à la production d’électricité sont mises en place. C’est donc
bien le parc de production du Sénégal qui est le problème. Ce parc est surdimensionné et
trop couteux et ne répond pas aux intérêts de notre pays.
La SENELEC pourrait économiser au moins 25 milliards par an en améliorant ses
performances techniques et commerciales pour les aligner à des standards
internationaux : La SENELEC dépense 302 milliards chaque année pour produire de
l’électricité (2140 gigawattheures*141 F CFA/kilowattheure). La SENELEC achète
également de l’électricité à des producteurs privés à des prix très différents. En faisant
l’hypothèse d’un prix d’achat moyen de 65 F CFA, la SENELEC dépense donc environ
116 milliards de F CFA pour acheter cette énergie (1780 gigawattheures d’achat en 2017
d’après la SENELEC * 65 F CFA/kilowattheure). La compagnie dépense donc au moins
418 milliards de F CFA par an pour produire et acheter de l’énergie. Cependant pour
chaque 100 kilowattheures d’électricité produit ou acheté, la Senelec en perd 20
kilowattheures avant de livrer l’énergie aux portes du consommateur final bon payeur,
soit 20% de pertes qui s’élèvent à 84 milliards de F CFA « grillés » par la SENELEC
chaque année. Dans un pays comme le Maroc par exemple, ces pertes sont environ de
14% (un pays pourtant plus grand en superficie avec une topologie plus montagneuse)
mais seulement de 12% en Tunisie avant 2011 ou les pertes commerciales étaient plus
faibles. En hissant ses performances au niveau marocain qui est largement à sa portée, la
SENELEC pourrait économiser au moins 25 milliards par an (418 milliards*20% –
418 milliards*14%).
Pour résumer le citoyen sénégalais supportent le fardeau d’un Etat et d’une SENELEC
inefficaces et non transparents à deux niveaux et c’est en cela que l’augmentation des prix de
l’électricité est doublement irrationnelle et injuste : 1) chaque année des recettes fiscales payées
par les citoyens et transférées à la SENELEC pour subventionner un secteur inefficace (125
milliards de F CFA en 2019, page 11 du TP3M). Ces ressources auraient pu répondre à des
besoins pressants dans l’agriculture, l’éducation, la santé, la sécurité etc. ; b) la SENELEC
gaspille au moins 197 milliards de F CFA chaque année.
Les dégâts économiques et sociaux de cette gouvernance se feront sentir bien après 2024 quand
Macky Sall quittera le pouvoir après son second et dernier mandat en nous laissant un parc de
production d’électricité surdimensionné, inadapté par rapport a nos nouvelles ressources
naturelles et une gouvernance de la SENELEC qui casse une compagnie plus qu’elle ne la
rebâtit. Nous y reviendrons dans un prochain article de cette série.
La cellule des cadres
La République des Valeurs