“LE TRANSFERT DES DÉSAGRÉMENTS DE LA GUERRE RUSSIE-UKRAINE EN AFRIQUE”
(Texte
Les Africains prennent-ils le temps d’analyser leur histoire?
Depuis deux semaines, bruissent des rumeurs de guerre que préparerait une organisation sous-régionale, la CEDEAO, a l’encontre d’un pays membre qu’elle est censée protéger: la République du Niger.
Son crime? Des officiers de son armée ont perpétré un coup de force contre un Président « démocratiquement élu ».
En 2012 déjà, je commettais tout un ouvrage consacré à l’analyse de la chute tragique de Moammar Al Kadhafi, l’ancien guide de la Jamahiriya Arabe Libyenne, survenue le 20 octobre 2011, (intitulé 🙂
Vie et mort de Moammar Al Kadhafi: quelles leçons pour l’Afrique? Yaoundé, Ed.Afric’Eveil, 2012 (Disponible 24h/24 sur la plateforme amazon.com).
Telles étaient les références de cette publication dont il convient sûrement de retenir davantage encore l’intitulé du sous-titre.
Douze ans après sa publication, rendus à l’an 2023, les Africains se rendent-ils compte que le scénario qui conduisit jadis la Libye vers son anéantissement est graduellement en train de se remettre en place sous d’autres oripeaux au Niger? Comprennent-ils bien qu’au lieu d’une seule sous-région concernée comme dans le cas de la destabilisation de la Libye (Afrique du Nord), la présente crise pourrait en affecter deux (Afrique occidentale et centrale)?
En effet, quelques similitudes troublantes existent entre ce qui advint à la Libye hier et le drame que connaît le Niger aujourd’hui.
1- Hier, en 2011, la « communauté internationale » brandissait le prétexte juridique – finalement fallacieux – de la vulnérabilité des populations « civiles » nationales, gravement menacées par les soldats de l’armée libyenne. Ce récit savamment construit, à mener à l’adoption par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, de la Résolution 1973 qui en réalité, eût pour objectif – et c’est très grave – d’éliminer un Chef d’État en fonction que l’Occident détestait.
Mais en lieu et place de l’atteinte d’une plus grande démocratie et d’un niveau de développement en croissance, l’on déplore plutôt un pays exsangue, plongé dans un indescriptible chaos qui a contaminé toute l’Afriquedu Nord.
Un exemple?
Le produit intérieur brut de la Libye (PIB) en 2010 était de 12 000 US $ par tête d’habitant.
En 2023, ce même indicateur affichait 5000 US $, soit une diminution nette de 58,3%.
Bien entendu, tous les « amis de la Libye » des premiers jours de la soit disante « libération » de la Libye, se sont volatilisés dans la nature, laissant à leur pitoyable sort, ces nationaux qui avaient naïvement cru en leur sinistre et hypocrite rhétorique.
2- Aujourd’hui, en 2023, l’on a encore eu l’idée de recourir à des arguments supposés juridiques pour réclamer à cors et à cri, « le rétablissement de l’ordre constitutionnel d’avant le push militaire du 26 juillet 2023». Il s’agit de la remise en selle, semble-t-il, du Président déchu. Là encore, les raisons de la non exécution des ultimatums de la CDEAO par les pays limitrophes du Niger ne semblent pas beaucoup intéresser les Nations ci dessus-mentionnées.
Pas plus que l’intérêt soudain des pays occidentaux et leurs alliés Africains pour le respect très suspect et à géométrie variable, du droit international.
Il convient effectivement d’être très sceptique au regard de l’histoire récente de l’Afrique, à propos des comportements des uns et des autres.
Pourquoi les mêmes qui aujourd’hui demandent, mieux, exigent une attaque contre le Niger, ont-ils avalisé hier, un coup d’État militaire similaire survenu à Njaména au Tchad?
Non.
Il est plus que temps que les Africains comprennent une chose:
L’enjeu central pour l’Union Européenne et les États-Unis d’Amérique ne peut être que LE TRANSFERT DES DÉSAGRÉMENTS DE LA GUERRE RUSSIE-UKRAINE EN AFRIQUE, à travers les moyens les plus sordides et des arguments incompréhensibles pour des Africains encore rationnels.
Voici la situation du Niger vue et analysée depuis les pays du Nord:
Puisque l’Afrique a refusé notre injonction de se mêler à ce conflit « supposément universel », alors il nous faut créer sur ce continent même, une guerre pour rendre caduque leurs prétentions d’éloignement du conflit.
Que les Africains ne fassent surtout pas l’erreur monumentale de tomber dans le piège géostratégique que leur dresse « leurs amis » d’Occident.
Lequel?
Attaquer sous le couvert de la CEDEAO, leur propre frères et sœurs du Niger, pour ouvrir grandes les portes d’entrée en Afrique Occidentale et Centrale aux troupes Russes, Américaines, Chinoises et Françaises, toutes stationnées actuellement à… Djibouti.
Ainsi, commencera le véritable coup d’arrêt de l’essort manifeste de l’Afrique, constaté ces dernières décennies.
Avec, comme toujours, la complicité machiavélique de certains hauts responsables Africains eux-mêmes, campés dans le rôle bien connu de « fossoyeurs patentés » de leur propre Continent.
Voilà pourquoi, pour rien au monde et sous aucun prétexte, les Africains ne devraient accepter d’attaquer eux-mêmes un autre pays Africain.
Ne disons pas demain, comme ce fut le cas hier pour la Libye et le lâche assassinat de Moammar Al Kadhafi, que « nous ne savions pas où tout cela allait nous mener ».
Aujourd’hui, nous ne le savons que trop bien:
Vers la ruine, le chaos savamment orchestré et le désenchantement total de l’Afrique.
Tout cela, à cause du manque de pensée stratégique des Africains.
Manque auquel il convient de remédier en comprenant bien la nature et les conséquences graves des enjeux de survie pour l’Afrique.
Qui plus est, combien d’Africains d’aujourd’hui savent que le Royaume Songhaï, au XVIè siècle, – une excroissance du Royaume du Mali du XIVè siècle – incluait tous ces territoires, qui formaient alors une entité socio-politique unique, pluri-culturelle et pluri-civilisationnelle?
Nous devons tous agir pour que 2023 ne ressemble pas, ne ressemble plus jamais à ce que l’année 2011 a été pour notre continent.
À cause de notre naïveté stratégique!
À bon entendeur, salut.
Par le Pr Jean Emmanuel PONDI