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Question 1 : Michel Lobe
Pierre E. Moukoko, vous êtes l’auteur de plusieurs ouvrages. Vous jouissez d’une
double culture et de la double nationalité franco-camerounaise. Avant d’en parler
pouvez-vous me dire qui vous êtes et quel est votre parcours ? Depuis combien de
temps vivez-vous en France et que faites-vous dans la vie en dehors de l’écriture ?


Réponse 1 : Pierre E. Moukoko
Avant de répondre à vos questions, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de me
recevoir et surtout de vous intéresser à mes activités littéraires.
Je suis français d’origine africaine et précisément du Cameroun. Je vis en France depuis
40ans. A vrai dire, je fais partie des Africains de la diaspora qui poursuivent leurs études en
France, notamment au niveau scolaire et universitaire puisque j’ai fait toutes mes études en
France et ce, depuis le lycée. Pour être plus complet, je suis juriste de formation. Compte
tenu de ma formation, je suis ce que l’on qualifierait de juriste pluridisciplinaire c’est-à-dire
mi-privatiste, mi-publiciste et spécialisé en droit de la consommation. Après avoir été juriste
pendant plusieurs années dans une association parisienne de défense des consommateurs,
consultant à France 3 et au ministère de l’intérieur où je donnais des conseils juridiques aux
fonctionnaires de police de la DST, Interpol, école de formation des policiers, protection
civile, préfecture d’île de France etc, je suis depuis 25ans, responsable d’un département
juridique, assurance et contentieux dans une grande entité de la région parisienne.


Question 2 : Michel Lobe
Pour quelle raison avez-vous décidé de vous lancer dans l’écriture, domaine certes
important mais difficile compte tenu du fait qu’il n’est pas facile pour un Africain de
trouver un éditeur et de vivre des gains de l’activité littéraire ?

Réponse 2 : Pierre E. Moukoko
Je vous remercie pour ces questions.
A vrai dire, je n’étais pas programmé pour écrire des livres. Ce qui importait pour moi était de
faire des études de droit et de m’en contenter en restant dans ce secteur spécifique et ô
combien indispensable dans nos cités. Cependant, après mon second troisième cycle en
droit, l’envie d’écrire s’est imposée à moi et notamment après un passage dans un salon du
livre dans une ville de la région parisienne. Depuis cet instant, j’ai décidé de ne pas
m’orienter vers l’avocature encore moins de faire une thèse de doctorat en droit. Chemin
faisant, je me suis lancé dans cette activité très prenante et captivante qui fait aujourd’hui
partie de ma vie. S’agissant de la publication des ouvrages, ce n’est pas une mince affaire
en effet et notamment pour les Africains de trouver un éditeur même si certains d’entre eux y
arrivent. Le monde de l’édition est une jungle et la majorité des écrivains ne gagnent pas leur
vie car certains éditeurs s’arrangent à tout conserver pour eux.

Question 3 : Michel Lobe

Connaissant ce secteur d’activité, je reconnais que ce n’est pas facile en effet pour les
écrivains et pas uniquement pour ceux qui sont d’origine africaine. Cependant dites-
moi, comment arrivez-vous à trouver du temps pour écrire vos livres alors même que
vous avez des activités professionnelles annexes et que vous êtes également père de
famille ?

Réponse 3 : Pierre E. Moukoko

Merci à vous pour cette question. Pour ne rien vous cacher, certains de vos collègues
journalistes me posent la même question. Cette question récurrente est aussi exprimée par
mon entourage et mes amis.
Eh bien c’est simple. Je m’organise et mon emploi du temps est bien programmé. En effet,
en journée je suis juriste d’entreprise au sein de l’entité dans lequel je suis responsable du
département juridique assurance et contentieux. En fin de journée dès que je rentre chez
moi, mon statut change. Je deviens père de famille et écrivain. Concrètement, j’écris mes
livres tous les soirs entre 21h et 1h du matin. A 5 heures je me lève pour aller au boulot. Le
rythme est difficile à tenir. Mais j’y arrive. Je pense que la passion m’aide énormément dans
cette activité. J’ai la rage d’écrire et de dénoncer les maux qui nous pourrissent la vie du
citoyen.

Question 4 : Michel Lobe
En effet, le rythme est difficile à tenir mais compte tenu des résultats, vous y arrivez plutôt
très bien. Etant écrivain moi-même, je ne peux que vous féliciter.
Parlons un peu de vos ouvrages. Pour les avoir tous lus, je constate que vous êtes un auteur
engagé et prolifique pour ne pas dire très engagé compte tenu des thèmes que vous
abordez dans vos livres. Par ailleurs, je constate avec surprise que depuis 2020, vous
écrivez en moyenne un livre par an. Comment faites-vous ? N’avez-vous pas peur
d’embrasser beaucoup de thèmes et de sortir du champ de votre vocation d’essayiste et de
romancier ?

Réponse 4 : Pierre E. Moukoko
Vous avez raison de relever que je suis un auteur engagé. En effet, j’ai horreur de l’injustice.
Mais malheureusement, la société dans laquelle nous vivons regorge de cas difficilement
acceptables. La mondialisation est source d’injustice par essence, quoi qu’on dise. Car les
riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Nous vivons
dans un système qui accroît les inégalités. C’est une évidence. Que dire des discriminations
que notre société fait subir aux femmes depuis des lustres, du féminicide, du racisme, de
l’antisémitisme et de bien d’autres maux qui nous gâchent la vie et qui portent lourdement
atteinte à notre cohésion sociale ? Essayer de dénoncer ces anomalies sociétales, telle est
ma démarche. Cette mission je me la suis assignée et j’espère apporter modestement ma
pierre à l’édifice.

Question 5 : Michel Lobe

Je souhaite m’attarder sur votre dernier ouvrage ayant pour titre : « Afrique – Les gâchis
français – Plaidoyer pour un changement de paradigme » édité à Paris chez Sinope Editions
et préfacé par Bakary Diallo. Qui est ce préfacier à la plume si châtiée ? Pourquoi ce livre ?
Qu’est-ce-qui vous a amené à écrire un tel ouvrage de 622 pages ?


Réponse 5 : Pierre E. Moukoko
Sieur Bakary Diallo est un brillant avocat parisien. C’est mon frère. C’est mon ami. C’est une
personne très attachée à la justice et surtout à l’équité. Je suis sincèrement très content de
l’avoir rencontré et surtout d’avoir accepté de préfacer mon ouvrage. Comme tout africain
d’aujourd’hui, ce brillant Avocat est outré par la situation de notre beau continent qui est
comme vous le savez excessivement riche mais pillé et appauvri.
Vous m’avez également posé la question de savoir pourquoi cet ouvrage ? Eh bien la
réponse est simple. Lorsque j’ai terminé mes études de droit, j’avais la possibilité de faire
une thèse ou de m’orienter vers l’avocature. Alors même que je remplissais toutes les
conditions requises, j’ai décliné les deux opportunités qui s’offraient à moi et ce, à la surprise
de mon entourage. En fait, je voulais écrire. J’en rêvais. Cependant, je ne trouvais pas le
sujet qui, à mes yeux, en valait la peine. Après plusieurs années de réflexion, une question a
commencé à me tarauder l’esprit. Je me posais régulièrement la question de savoir pourquoi
la jeunesse africaine en voulait autant à la France. Plus le temps passait, plus ce sujet
m’intéressait. J’ai donc décidé de travailler et d’approfondir mes recherches sur cette
question. Il m’a fallu plusieurs mois de travail pour comprendre que ce sujet est très vaste et
difficile car il est marqué du sceau de la confidentialité. Mais cela ne m’a pas découragé. En
effet, à force de travailler, j’ai fini par comprendre les raisons et surtout d’écrire ce livre. La
première mouture qui date de 2020 avait 478 pages avec 18 chapitres. Deux années après
sa parution, j’ai décidé de retirer tous mes droits à mon éditeur pour le faire éditer par un
autre. Cette nouvelle version plus enrichie et actualisée est sortie en mars 2023 et elle a 622
pages avec le même nombre de chapitres.

Question 6 ; Michel Lobe
Toutes mes félicitations pour ce travail, mon cher Pierre. J’ai lu dans la presse que ce
livre marche bien et de ce point de vue, je ne peux que vous encourager. Dites-moi, il
paraît que vous avez adressé ce livre au Président Macron. Est-ce exact ? Si oui pour
quelles raisons ? Auriez-vous obtenu une réponse de L’Elysée ?

Réponse 6 ; Pierre E. Moukoko
Oui je confirme que cet ouvrage se lit de plus en plus et j’en suis fier. Ce qui me touche c’est
de constater que les jeunes Africains et français font de plus en plus partie de mon lectorat.
C’est encourageant pour moi car ils sont l’avenir des deux espaces de civilisation. C’est eux
l’avenir.
Je confirme avoir envoyé la première et la seconde mouture de ce livre au Président
Emmanuel Macron accompagnées d’une longue lettre de dix pages. Pour la première
mouture, je n’ai reçu aucune réponse de la présidence de la république et croyez-moi, je l’ai
fait savoir partout où je le pouvais. Pour la mouture enrichie et actualisée, l’Elysée m’a écrit
par deux fois. Je souhaitais rencontrer le Président Macron en personne pour lui demander
de tout faire pour éviter le divorce entre la France et ses anciennes colonies. Démarche
vaine. Le président m’a remercié et m’a fait comprendre que ce que je propose dans mon

ouvrage, c’est exactement ce qu’il entend faire. Est-ce exact ? je n’y crois pas. Ce que je
constate, c’est que la France poursuit toujours sa politique néocoloniale en l’Afrique et j’en
suis sincèrement attristé.


Question 7 : Michel Lobe
Comment pourrait-on expliquer la dégradation des relations franco-africaines
actuelles et le désamour manifeste des Africains vis-à-vis de Paris ?

Réponse 7 : Pierre E. Moukoko
Les raisons sont multiples. Après l’octroi des indépendances par la France à l’ensemble des
pays faisant partie de sa zone d’influence, la France, sous l’impulsion du général de Gaulle
et de son homme de main Jacques Foccart, la France a confisqué la souveraineté des pays
Africains. Les Africains et notamment sa jeunesse et sa diaspora exigent la fin de ce qu’ils
qualifient de néocolonialisme. Ils souhaitent voir les Africains gérer leurs propres affaires
sans que Paris s’en mêle. Ils veulent être le père de ce qu’ils font et le fils de ce qu’ils ont
fait. Les Africains en ont assez de vivre dans une misère abyssale alors même que leur
continent est scandaleusement riche avec notamment une terre de culture et un sous-sol
béni des Dieux. Or, face à ces revendications légitimes, la France est restée sourde et
muette. Tout ceci justifie la colère de la jeunesse africaine et leurs engagements de mettre
un terme à leurs relations déséquilibrées avec Paris. Un divorce est en train de se produire
qui bouscule des siècles d’une relation tumultueuses. Tout ceci était prévisible. J’avais
largement abordé le sujet dans mon ouvrage, ce qui d’ailleurs a amené certains de mes
lecteurs à qualifier mon travail de prophétique et prémonitoire.

Question 8 : Michel Lobe
Quels sont, à l’heure actuelle, vos projets d’écriture ? Comptez-vous poursuivre dans
les essais ou avez-vous désormais une préférence pour le roman ?

Réponse 8 : Pierre E. Moukoko
Merci pour cette question. En ma qualité de juriste, l’écriture des essais me vont bien et je
m’y sens à l’aise. Cependant rien ne m’interdit d’ailler voir ailleurs. C’est d’ailleurs ce que je
viens de faire puisque mon prochain livre sortira le 7 octobre 2024. Il a pour titre : «
L’initiation inachevée ». Il s’agit là de mon premier roman. Il a 322 pages. Sans rien vous
cacher, je suis entrain d’écrire en ce moment mon sixième ouvrage qui sera un essai. Il a
pour titre provisoire : « Africa-Hécatombe – L’assassinat d’un peuple ». A vrai dire, j’entends
rendre hommage à tous mes frères Africains qui meurent en méditerranée sous l’indifférence
de la communauté internationale. J’entends en particulier dénoncer le comportement
criminel et anti démocratique des pays riche sans oublier bien évidemment celui des
Africains eux-mêmes et en particulier de leurs dirigeants ainsi que de leurs organisations
régionales telles que L’union Africaine (UA), CEDEAO, CEMAC etc. Si les délais sont tenus,
sa sortie est prévue pour 2025. Il s’agit d’un ouvrage coup de poing qui mettra mal à l’aise
les fossoyeurs de l’Afrique et leurs laquais Africains.

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