Le doute a toujours plané sur les circonstances de la mort de l’ancien ministre du Travail, en 1979. La famille, qui ne croit pas à la thèse du suicide, se réjouit de la nouvelle.
Robert Boulin. Un nom qui hante la Ve République depuis 40 ans. Le corps sans vie de l’ancien ministre du Travail de Valérie Giscard d’Estaing avait été retrouvé dans un étang de la forêt de Rambouillet, le 30 octobre 1979. Les conditions qui entourent sa mort sont pour le moins troublantes. Si la justice a rapidement conclu à un suicide, l’examen des faits a poussé la famille, depuis de nombreuses années, à porter la thèse d’un assassinat. Si bien qu’en août 2015, une nouvelle instruction avait été ouverte. Fin janvier, un second magistrat instructeur a été nommé aux côtés du premier pour tenter de relancer l’enquête, ainsi que le révèle aujourd’hui 20 Minutes .
Me Marie Dosé, l’avocate de la fille du ministre, Fabienne Boulin, se réjouit de cette nouvelle. C’est elle qui avait réclamé la nomination de ce second juge d’instruction. «La collégialité est très saine dans un dossier tel que celui-ci, explique-t-elle au Figaro. Depuis la réouverture de l’enquête, nous avons eu pour le moment soit, au mieux, un manque de motivation du premier magistrat, soit, au pire, un semblant de parti pris nous laissant penser que l’on allait vers un non-lieu.» Et donc rester sur la thèse du suicide par noyade.
Un témoin entendu
La famille estime, elle, que l’enquête initiale a été bâclée. Il faut dire que les incohérences sont nombreuses. S’il s’est noyé, pourquoi le ministre avait-il le visage meurtri, comme s’il avait été passé à tabac? Comment a-t-il pu se faire deux fractures du visage en tombant dans l’eau? Pourquoi n’avait-il aucune trace de boue sur ses chaussures alors qu’il était impossible d’atteindre l’eau sans se souiller? Pourquoi les traces de pas relevées sur place partent de sa voiture pour aller vers l’étang, mais en reviennent également? Pourquoi la première autopsie du cadavre a-t-elle été incomplète? Pourquoi le corps a-t-il été retrouvé sur le ventre alors que l’examen du corps montre que Robert Boulin est mort sur le dos? Pourquoi tous les prélèvements effectués sur le corps ont-ils disparu? De nombreuses autres questions restent en suspens. Face à la thèse du suicide, celle d’un règlement de compte politique est avancée.
Il y a urgence à faire progresser l’enquête. «Nous sommes dans une affaire où les témoins meurent, regrette Me Dosé. L’absence d’action va finir par rendre impossible la manifestation de la vérité.» Vendredi après-midi, les deux juges doivent justement entendre un témoin important, un médecin légiste qui avait participé à la seconde autopsie du corps de Robert Boulin, plusieurs années après sa mort. En 2013, cet homme témoignait au micro de Benoît Collombat, journaliste auteur d’une remarquable enquête sur cette affaire*. Son avis était sans appel: «Je crois que les trois experts [qui ont participé à l’autopsie], on a conclu entre nous qu’il ne s’était pas suicidé. Moi personnellement, je ne me suis jamais dit que c’était un suicide. J’ai une convergence de faits qui me fait penser que l’on était en présence, à mon avis, d’un meurtre ou d’un assassinat.»