Le climat social est un indicateur de l’état de santé humaine et morale d’un pays. Au Cameroun, pays autrefois riche et prospère, la violence a atteint un niveau rarement observé. Cette violence est la suite logique d’un environnement où la pauvreté et l’impunité s’installent durablement. Elle gagne du terrain parmi les acteurs politiques, économiques et sociaux. Il y a une forme d’embrasement qui fait redouter des lendemains difficiles en cette période de fin de règne.
L’assassinat du journaliste Zogo n’est qu’un des aspects factuels des actes délictueux et violents qui se banalisent et qui font douter le citoyen. A l’extérieur de nos frontières, les observateurs s’interrogent. Pourquoi tant de violence et d’absurdité dans un Etat de droit ?
Il ne suffit pas d’y apporter une réponse sèche. Nous vivons dans un climat de violence graduelle qui gagne toutes les couches de la société depuis que l’économie du Cameroun a été bradée et rétrogradée au rang misérabiliste de pays pauvre très endettés (PPTE). Aucun signe ne laisse entrevoir une amélioration de ce climat d’insécurité. Ce climat n’est pas propice aux affaires car il favorise les crimes politiques, les crimes crapuleux, les crimes rituels et les crimes économiques marqués par la corruption endémique, l’impunité et les détournements des deniers publics.
La violence s’est normalisée. Elle devient incontrôlable. Elle ne peut baisser car la précarité gagne la plus grande partie de la population. Alors que l’horizon semble bouché pour longtemps, la population voit émerger de nouveaux riches méprisants, insolents, sans loi et qui se croient tout permis.
Dans ce contexte de la peur, tout est permis. La violence physique, économique et mentale créent un climat de peur et de terreur. La jeunesse va mal et elle est en déshérence. Elle s’interroge. La peur alimente la défiance de la jeunesse à l’égard du pouvoir car l’Etat ne protège plus ses enfants.
Et si notre histoire pouvait réconcilier les enfants égarés par des politiques ethniques et discriminatoires ? Car aujourd’hui, nous connaissons nos héros qui se sont sacrifiés pour la liberté, la souveraineté et la dignité. Ces héros s’appelaient Ruben Um Nyobé, Rudolf Douala Manga Bell, Félix Moumié, Osendé Afana, Ernest Ouandié, Mongo Béti, etc. Ils n’étaient ni Haoussa, ni Béti, ni Sawa, ni Bassa, ni Bamiléké. Ils étaient camerounais. Tout simplement ! Et leur fierté était inébranlable car ils avaient les mêmes idéaux : un Cameroun prospère, souverain, libre, compétitif et fier de ses enfants.
Nous devons nous activer à réconcilier tous les enfants de ce pays. Cette tâche n’est pas aisée, mais elle est indispensable pour panser les plaies béantes qui ont du mal à se cicatriser. Il est de notre devoir, en ces temps de fin de règne, de crier à la fin de récréation.
Pour cela, il suffit, dans le cadre d’un projet pédagogique, de déconstruire les cerveaux, de revoir nos manuels scolaires et d’enseigner à nos enfants, dès le bas âge, l’histoire de nos héros. Inéluctablement, la jeunesse voudra se reconnaitre à ses héros. Aujourd’hui encore, elle glorifie des personnages de bandes dessinées, des héros des continents lointains qui nous ont abimés et infantilisés.
A qui la faute ? La responsabilité est collective. Le mal est profond. Il est partout. Dans les rues, nous voyons défiler des femmes et des hommes nus. Ils constituent des proies faciles pour les marabouts et les évangélistes qui promettent l’impossible.
C’est le signe d’une société en décadence, bestialisée et qui succombe à la moindre tentation dans un climat de désordre et de violence. Pire encore, les laboratoires clandestins prospèrent. Ils conditionnent des médicaments et des alcools qui sont livrés dans les pharmacies et les magasins complices. La santé du citoyen est fragilisée par ces produits vendus en toute liberté. Que dire des empoisonnements gratuits qui sèment la psychose ?
Les nombreux crimes non élucidés contribuent aussi à jeter l’anathème contre le pouvoir. Ce dernier ne rassure pas. Il est enfermé dans un labyrinthe sans issue. Dans ce climat de doute, de réprobation et de disette, à quel saint se vouer ?
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant