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vendredi 7 mars 2025, Canyon Resources a annoncé l’acquisition de 9,1 % des parts du groupe ferroviaire CAMRAIL, opérateur du réseau de chemin de fer au Cameroun. Cette opération, selon l’entreprise, vise à sécuriser le transport de la production depuis la mine jusqu’au port d’expédition.
Mais en réalité, cette acquisition soulève de nombreuses interrogations.
Pourquoi Canyon Resources entre-t-elle dans l’actionnariat de CAMRAIL ?
Cette manœuvre ressemble à un véritable coup de poker d’un réseau mafieux composé de Français, d’Indiens, de Sud-Africains et d’Australiens.
En effet, Canyon Resources n’a nullement besoin d’entrer dans l’actionnariat de CAMRAIL pour assurer le transport de sa production. Si une telle logique était valable, alors :
• Rio Tinto devrait entrer dans l’actionnariat du Trans-Guinéen pour son projet de fer de Simandou en Guinée.
• Fortescue devrait aussi prendre des parts dans la SETRAG au Gabon pour son projet de fer de Bélinga.
Cette acquisition ressemble davantage à une opération opaque qu’à un réel besoin stratégique.
D’ailleurs, annoncer en grande pompe une transaction de 2,3 millions de dollars (1,4 milliard de FCFA) est une insulte à l’intelligence des Camerounais. Bientôt, même les petits deals d’un million de FCFA seront relayés dans les médias !
Une valorisation sous-évaluée de CAMRAIL ?
Si Canyon Resources acquiert près de 10 % de CAMRAIL pour seulement 1,4 milliard de FCFA, cela signifie que la valeur totale de CAMRAIL serait estimée à 14 milliards de FCFA ?
C’est un montant dérisoire, largement en dessous de la fortune de certains hauts cadres de l’administration camerounaise, sans même parler des directeurs généraux ou des ministres.
Une acquisition inutile et sans réel pouvoir de décision
Si l’objectif réel de Canyon Resources était d’assurer le transport de son minerai, il lui suffirait de :
1. S’assurer de l’état du chemin de fer et de sa capacité à supporter le transport du minerai.
2. Négocier un contrat de transport avec CAMRAIL en précisant les volumes à acheminer et le prix du fret.
De plus, posséder 9 % de CAMRAIL ne donne aucun droit de décision au sein du conseil d’administration, encore moins dans son exécutif. Aucun traitement de faveur ne pourra être accordé.
En réalité, même en rachetant 100 % de CAMRAIL, Canyon Resources ne pourrait pas acheminer son minerai si la ligne ferroviaire n’est pas renforcée. Cette infrastructure n’avait pas été conçue pour transporter du minerai en plus du transport domestique et des marchandises.
Si l’argument avancé par Canyon Resources était crédible, alors l’entreprise devrait également entrer dans l’actionnariat d’ENEO et du Port autonome de Kribi, car elle aura besoin d’énergie pour son exploitation et d’un terminal minéralier pour l’exportation.
Qu’est-ce que la bauxite ?
La bauxite est une roche sédimentaire blanche, rouge ou grise, riche en alumine (Al₂O₃) et en oxydes de fer. Elle constitue le principal minerai permettant la production d’aluminium et de gallium. Sa formation résulte de l’altération continentale en climat chaud et humide.
Principaux pays producteurs de bauxite en 2023 (en milliers de tonnes)
Pays Production (en milliers de tonnes)
Australie 98 000
Guinée 97 000
Chine 93 000
Brésil 31 000
Les gisements de bauxite au Cameroun : un intérêt économique discutable
Depuis l’époque coloniale, le Cameroun est connu pour deux gisements de bauxite majeurs :
• Fongo-Tongo
• Minim Martap
Ces gisements sont répertoriés depuis des décennies, bien avant l’arrivée de Calamalco ou de Canyon Resources.
Cependant, ils n’avaient jamais suscité l’intérêt des colons, car ils étaient jugés économiquement non viables :
1. Éloignés de la côte atlantique.
2. De taille modeste (pas de grandes réserves prouvées).
3. Teneur en alumine relativement faible.
Le permis de recherche sur Minim Martap : un parcours controversé
• 2008 : Les permis d’exploration sur Minim Martap et Ngaoundal sont attribués à HYDROMINES INC, qui devient plus tard Cameroon Alumina Limited (CAL).
• 2011 : Le Premier ministre signe un décret créant un comité chargé de négocier une convention minière entre CAL et l’État.
• 2018 : L’État juge ces négociations non concluantes et attribue les permis à CAMALCO SA, une filiale de Canyon Resources, pour une durée de trois ans non renouvelables.
Les objectifs fixés étaient clairs :
• Confirmer les réserves.
• Finaliser les études de faisabilité.
Un processus accéléré vers l’exploitation
• 2021 : Canyon Resources entame les négociations pour une convention minière et un permis d’exploitation.
• Juin 2022 : CAMALCO publie officiellement son étude de faisabilité.
Qui est réellement Canyon Resources ?
Une entreprise sans réelle expérience minière
Canyon Resources était auparavant connue sous le nom de Castlemaine Resources Limited avant de changer de nom en mars 2010.
• Création : 2009
• Siège social : 945 Wellington Street, West Perth, Australie
(Aucune signalisation visible à cette adresse indiquant les bureaux de Canyon Resources après vérification.)
Un comité de gestion sans Camerounais
Nom Poste
Mark Ainsworth Hohnen Président du Conseil d’Administration
Jean-Sébastien Boutet Directeur Général
Kudzai Mtsambiwa Directeur Financier
Rana Singh Directeur Général de CAMALCO
Patrice L’Hullier Directeur du Projet CAMALCO
Aucun Camerounais n’occupe un poste clé dans cette entreprise, pourtant son seul projet minier est au Cameroun.
Canyon Resources n’a jamais développé de projet minier ailleurs. C’est un simple groupe de spéculateurs profitant d’un système laxiste.
Conclusion : une gouvernance minière à repenser
L’entrée de Canyon Resources dans CAMRAIL est une opération douteuse qui ne répond à aucune logique économique rationnelle.
Le Cameroun doit cesser de brader ses ressources naturelles et exiger une gouvernance plus rigoureuse et transparente dans le secteur minier.
Dr. Bareja Youmssi
Expert en Mines et Pétrole
Enseignant-Chercheur