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1. Quel peut être le potentiel du Cameroun en matière de ressources naturelles ?

Le Cameroun a un potentiel géologique pour un certain nombre de minéraux. Bien géré, ce potentiel pourrait contribuer à la croissance économique du pays. Ce pays dispose notamment des gisements de minerai de fer, de bauxite, de diamants, de calcaire, de rutile et de cobalt nickel. Toutefois, en dépit de l’existence de ces minerais, l’exploitation minière ne joue pas encore un rôle majeur dans le développement du Cameroun, et le secteur minier reste en marge de l’économie.

Au plan minier, plusieurs projets sont aujourd’hui à un stade avancé de travaux d’exploration : les projets de fer de Mbalam, de Lobe et de Bipindi ; le projet de nickel-cobalt de Nkamoun près de Lomié, propriété de Geovic ; le projet de bauxite de l’Adamaoua (à Minim-Martap et Ngaoundal opéré par Cameroon Alumina) et le projet diamantifère de Mobilon, près de la frontière avec la République Centrafricaine, développé par Cameroon & Korean Mining).

Sur l’ensemble de ces projets, quelques-uns ont déjà bénéficié de permis d’exploitation minière, l’exploitation proprement dite n’ayant toutefois pas encore démarré sur le terrain.

Au plan purement géologique, la cartographie géologique et les connaissances globales du potentiel minier du pays restent très limitées et apparaissent aujourd’hui dépassées. Les données géophysiques et géochimiques restent insuffisantes pour de vastes régions ou doivent être réinterprétées au moyen de technologies et d’approches modernes lorsqu’elles sont disponibles. Les géologues révèlent qu’à ce jour, plus de 70% du territoire reste inconnu.

2. Comment appréciez vous la manière dont les activités minières sont menées au Cameroun ?

J’accumule aujourd’hui 18 ans dans l’industrie extractive mine et pétrole confondus ou j’ai eu à travailler pour des multinationales brésilienne, Russe, Australienne ; dans environ 14 pays d’Afrique (Afrique du sud , Mozambique, Ethiopie, Zambie , RDC, Tanzanie, Guinée Conakry, Liberia, Namibie etc…) ainsi qu’ au Gabon  dans leur société nationale minières  comme Directeur de la Stratégie et du Développement d’affaires.. Et jamais je n’ai vu ce que j’observe au Cameroun ; nous avons l’impression que les opérateurs miniers (en majorité les chinois) ont le tapis rouge pour transformer notre pays en poudrière environnementale surtout à l’Est du Cameroun. Les exploitations en semi mécanisées  de l’or et du Diamant se font sans tenir comptes de certains préliminaires et standards ou on se retrouve entrain de détruire carrément des gisements  qui mieux exploités  pouvaient rapporter mieux à l’Etat Camerounais ; il n y a aucun suivi et contrôle  des opérateurs de la part des agents du ministère des mines ;  les operateur ont champs libre ; pas de responsabilités sociétales des entreprises, pas de développement communautaire , pas de programme d’insertion de nos jeunes diplômés sortis de nos  écoles, des mines pas de transfert de compétences.

Nous avons plus de 200 permis de recherche délivrés mais à peine 10 compagnies font réellement de la recherche ; ils sont plutôt sur des places boursières à spéculer sur ces titres pour lever de l’argent qui n’arrive jamais au Cameroun sur le projet pour lequel le titre minier a été délivré.

Le Cameroun a eu une chance unique tout récemment qu’il a laisse filer de ses doigts , le Groupe français Eramet  qui voulait développer le projet de rutiles d’Akonolinga ; seule la présence de cette multinational au Cameroun devait nous aider a mieux vendre la destination minière du Cameroun car  le travail que Eramet a abattu sur le plan technique, insertion des jeunes Géologues e cadres , transfert des compétences  et développement communautaire juste en 3 ans étaient impeccables .Malheureusement pour des raison non officielle que je souhaiterais pas divulguer ici nous avons volontairement laisser cette compagnie quitter le cameroun .

Le Cameroun n’est pas une destination minière il faut y travailler en reformant d’abord le secteur.

En un mot je propose un audit des activités minières, du secteur minier Camerounais et des conventions signées jusqu’ à ce jour. Et pourquoi une renégociation de ces conventions car j’avais déjà relevé les manquements dans la convention signée avec sinosteel sur le fer de Lobe Kribi ; je l’ ai aussi fait tout récemment dans  la convention signée avec Camalco sur la bauxite de Minim martap.

Il faut assainir le secteur si nous pensons déjà à l’après pétrole. 

3. D après vous,comment peut-on sortir de l orniere ou de l activité artisanale pour une production plus moderne et préparer l après pétrole?

L’activité artisanale au Cameroun concerne généralement l’or et le Diamant ; qui s’exploitent dans les placers (les anciens lits de rivières), ne constituent pas une menace pour les mines modernes que sont l’or primaire et des « kimberley pipe » le diamant. L’activite artisanal existe partout dans les pays miniers il faut juste bien l’encadre car elle peut aussi contribuer au développement économique et industrielle du pays. Chaque année nous enregistrons une production d’or artisanale de 1500 kg d’une valeur 78 milliards de FCFA qui généralement échappe au contrôle de l’Etat. Nous avons déjà pris du retard pour préparer l’après pétrole. Au jour d’aujourd’hui les recettes du pétrole représentent environ 8-10% du budget nationale alors que le secteur minier contribue juste à la hauteur de 1% . De l’exploration, la mise en évidence d’un gisement, du développement et de la mise en production d’une mine il faut compter entre 15- 20 ans quand la compagnie détentrice du titre minier est vraiment sérieuse ; et que ses capacités technique et financière ne posent aucun doute à développer un projet minier. L’activité artisanale a toujours existe dans les plus grands pays miniers à l’instar de l’Afrique du Sud, de la Russie, du Brésil, de la RDC du Gabon etc…. il suffit de bien encadrer cette activité qui permet à la population locale de s’auto occuper et d’avoir un moyen de subsistances tout en développement leur localité avec les revenus issus de cette activité .

4. Quels leviers actionner pour une exploitation des ressources plus bénéfique,rentable et durable pouvant contribuer au PIB et au développement de l economie nationale en général?

Il faut commencer par les fondamentaux cad avoir une bonne connaissance de notre sous-sol, l’Etat doit s’impliquer avec ses fonds propres dans la connaissance du potentiel minier de la nation, il doit avoir une processus d’obtention des titres miniers  assez claire et transparent(La Création d’un cadastre minier une structure indépendante qui fonctionne sur le principe de Guichet Unique « First come first serve » comme   en RDC ,  Zambie ,   Tanzanie ,  Cote d’ivoire etc….Il faut attribuer des Titres miniers uniquement aux compagnies qui ont une capacité technique et financières avérées ;il faut signer des conventions qui protègent les intérêts du Cameroun ; mettre sur pied un système de suivi assez stricte de ces contrats, éviter de tomber dans le piège de surendettement du projet avant sa mise en production ;le ratio « emprunt/ fond propre » conseillé est de 30/70  cela permet au pays de très tôt commencer à toucher les dividendes qui généralement arrivent après épurement de la dette  .Nous devons exiger une transformation totale  des minerais produit dans le pays sauf peut-être pour certains minéraux ;l’Or ne doit plus sortir du Cameroun dans son état brut , il doit désormais être raffiné et poinçonné au Cameroun ; Nous avons une compatriote qui vient de doter le pays  d’une raffinerie ultra moderne du cote de Soa et n’attend que désormais la décision politique d’exiger a tous les producteur d’or de faire raffiner leur produit sur place avant exportation.

5. Existe t il des textes d’application du code minier en matière de répartition de l’exploitation minière entre les nationaux et les étrangers ?

le Code minier de 2023 en vigueur actuellement est toujours en attente de son décret d’Application ; j’aurais appris qu’il existe une exigence de faire rentrer à 10-20%  les nationaux dans le capital social de toute compagnie qui souhaite faire de l’exploitation minière au Cameroun ; il y aussi une disposition du nouveau code minier qui exige  à toute les compagnies minières en phase d’exploration  de nommer un PCA de nationalité camerounaise dans leur structure locale ; j’aurais voulu aussi voir les activités de la petite mine et de l’exploitation artisanale  être réservées exclusivement aux nationaux, un chinois ou tout étranger  ne doit pas  faire de la petite mine semi mécanisée ou de l’exploitation artisanale au Cameroun.

6. Quelles sont les réformes à mettre en place pour une meilleure industrialisation du secteur?

Il faut déjà faire comme dans tous les pays qui désire faire du secteur minier la flèche de lance de son économie et vecteur du développement industriel ;  il faut donner plus de poids à ce secteur en créant un Ministère des Mines uniquement(à l’instar du Gabon, Tchad,Mali, Rwanda, RDC, Cote d’ivoire etc…)qui devra être diriger par un minier chevronné, qui comprend parfaitement l’industrie minière, qui est connu dans le monde minier ; il faut de nouveau écrire un code minier car l’actuel est beaucoup plus un code fiscal écrit par des juristes et non par des hommes du corps ;  redéfinir le rôle  et les missions de la Société nationale des mines ; adopter une doctrine minière pour le Cameroun  accompagner d’un master plan sur 10 ans . Si l’occasion mettait donner j’expliquerais davantage aux décideurs la Stratégie dans les détails et au cas par cas.

7. L’exploitation minière sortira t elle des polémiques et de l’artisanat pour renflouer l’état et entamer l’après pétrole ?

Il est encore très tôt de parler de l’après pétrole au Cameroun, nous avons un offshore qui reste à 80% inexploré et qui sur le plan géologique regorge un potentiel significatif en hydrocarbure, ma thèse de Doctorat  soutenu en Russie en 2004 était sur le potentiel pétrolier de la marge Atlantique de l’Afrique  avec le Cameroun comme « Case study » ; le secteur pétrolier Camerounais souffre des mêmes maux que le secteur minier ; nous avons juste eu de la chance que les colons  avaient mis en production un ou deux champs pétroliers, ce qu’il n’ont pas fait dans le secteur minier et nous voila 60 ans après sans une  mine opérationnel ni à ciel ouvert encore moins souterraine. Pour renflouer les caisses de l’Etat il faut faire du Cameroun une destination minière et pétrolière. J’admire la Cote d’ivoire et le Sénégal qui ont très bien compris ce qu’il faut faire pour rendre leur secteur extractif attractif aux investisseurs sérieux. Nous devons apprendre à bien négocier les contrats miniers (Allez apprendre chez les autres RDC, afrique du sud Bostwana, Senegal , Cote d’ivoire). Toute l’Afrique aujourd’hui a basculé dans la recherche des minéraux critiques ; au Cameroun personne n’en parle, il n’y a aucune stratégie mise en place pour la connaissance de notre potentiel en minéraux critiques et ainsi être dans le cours des grands pour la fabrication des batteries pour des véhicules électriques et ains être un des acteurs dans la transition énergétique. Nous devons juste mettre du sérieux dans ce que nous faisons au quotidien pour la Patrie et l Cameroun sera comme l’Afrique du Sud ou le Bostwana en 10-15 ans ces pays ont su transformer les ressources minérales en développement et prospérité pour leur peuple. Ils l’ont fait pourquoi pas nous ?

Dr Bareja Youmssi

Expert en Mines et Pétrole

Enseignant-Chercheur

Ecole Nationale Supérieur Polytechnique de Bamenda-Département d’Ingénierie Pétrolière

Enseignant Visiteur,Ecole des Mines de Bukavu-RDC

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