L’assassinat crapuleux du journaliste Martinez Zogo n’est pas la goutte d’eau qui va faire déborder le vase. Le système politique au Cameroun s’est forgé une carapace de cuir pour résister aux pleurs et aux convulsions d’une population amorphe, sans ambition et « heureuse » de vivre. Car, ici, la vie vaut plus que tout. Elle est sacralisée. Être en vie est une bénédiction de Dieu, c’est croire et espérer que Dieu ne tolère que le possible. Le pouvoir politique et le pouvoir religieux, ajoutés à celui de forces séculières et ésotériques veillent sur le peuple.
Les circonstances de cet assassinat resteront mystérieuses car la vérité ne vient que d’en haut. Elle se manifeste par un silence péremptoire et méprisant qui réduit le pauvre citoyen à son simple rang d’électeur du parti au pouvoir.
Les exemples sont légion. Ils portent tous la même signature. L’indignation est profonde. Les familles voient affluer les badauds. La nuit des funérailles, on promet au mort de faire éclater la vérité. La suite, nous la connaissons. Silence de cathédrale. Les plus convaincus, ceux qui attendent toujours un Messi, ne désespèrent pas. Le président Paul Biya, chef suprême et incontesté rétablira la vérité.
La population s’attend de découvrir la vérité qui vient d’en haut. Cette vérité dont on parle nous ramène très souvent à nos distractions qui nous éloignent de l’essentiel. Nous succombons aux charmes du mensonge et du silence. L’arlésienne ? Tout le monde en parle. Mais personne ne l’a jamais vue. Elle est pourtant parmi nous. Les crimes crapuleux font partie de notre mémoire collective. Ces cold case n’ont jamais été élucidés. Ils sont classés avec le temps. Ils s’oublient aussi très vite entre deux verres de vin frelaté.
D’autres morts, et la liste n’est pas près de s’arrêter, non moins célèbres dans notre beau pays ont connu les mêmes conclusions. Tout le monde s’est déclaré procureur. Tout le monde avait le nom ou les noms des commanditaires. Il ne manquait que plus que l’exercice de la justice. Tous ces morts ensevelis croupissent dans les tombes. Ils s’appellent Monseigneur Bala, Bibi Ngota, Christian Mpondo, Monseigneur Yves Plumey, l’Abbé Joseph Mbassi, le père Antony Fontegh, les sœurs Marie Germaine et Marie Léone, le père Engelbert Mveng, etc.
Un crime de trop ! Ce narratif revient très souvent chez les débatteurs, au cours des émissions de télévision ou de la radio. Un crime de trop ? Il y en aura d’autres, tant que la barbarie aura sa place dans la cité. Encore une occasion manquée par les oppositions de salon qui courent de plateaux de télévisions aux radios périphériques. La révolution de salon est un foret où se défoulent tous les prétendus intellectuels assoiffés de crédibilité, de pouvoir et incapable d’élever le ton pour une juste cause.
Les crimes politiques restent impunis au Cameroun. C’est un mode d’emploi qui illustre la fin d règne d’un homme frappé par l’âge et qui est devenu l’otage de sa propre équipe. Une fin de règne calamiteuse pour une population jeune, frappée par la pauvreté, la maladie, la corruption, le vol, les mœurs, le doute et l’incertitude. Une fin de règne où la succession se bat pour s’accaparer l’argent que le pouvoir leur donne.
Qui pour mettre fin à cette gabegie ? Personne. L’opposition, comme d’habitude, multiplie ses déclarations. Elle condamne sans plus. Discréditée, ses chefs n’osent prendre d’initiative. Elle se dit muselée. Elle n’est donc pas à sa place pour oser des actions à réveiller les morts. Cette opposition de confort est discréditée. Ce conformisme ne lui sied pas car le peuple a besoin de femmes et d’hommes actifs.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant