Au cours d’une visite à Dakar, au Sénégal, le week-end dernier, le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres a demandé aux juntes militaires (Burkina, Guinée, Mali) de « s’en aller le plus rapidement possible ». Cette injonction serait bien venue si cet organisme clanique prenait régulièrement une position lors des coups d’Etat militaires, constitutionnels et les successions monarchiques en Afrique.
Le retour à l’ordre constitutionnel est souhaité par tous les peuples épris de liberté. Mais comment ne pas s’étonner quand c’est le Secrétaire Général de l’Onu qui monte au créneau pour rappeler à l’ordre les putschistes en Afrique francophone ? Cette prise de position a de quoi surprendre la classe politique africaine bâillonnée depuis les indépendances par des régimes mis en place par le colonisateur. C’est la conséquence des successions monarchiques, du tribalisme, du népotisme, de la corruption, de l’impunité et des élections truquées qui font partie du paysage politique en place.
Faudrait-il rappeler à Monsieur Antonio Guterres qui semble enfin se réveiller que le Tchad et la communauté internationale, par le bon vouloir de la France, vient d’introniser le fils d’Idriss Deby assassiné ? Cette omission serait-elle le fait du hasard ou un calcul bien concocté par les puissances exogènes ?
Certes, nous condamnons tous avec vigueur les coups d’Etat. Mais quand ceux-ci sont commandités par les puissances néocoloniales, il est aussi du devoir de l’ONU de les dénoncer et de les condamner.
L’ONU, dans sa mission première est garante de la souveraineté de tous les pays membres de cette organisation. Ses silences ou ses absences sont aussi condamnables. Ce gendarme aux pieds d’argile est discrédité car ses prises de positions sont aux antipodes de la justice, de la souveraineté, de l’égalité des peuples et de la liberté du citoyen.
Les coups d’Etats constitutionnels
En rappelant à l’ordre le Mali, le Burkina et la Guinée, le Secrétaire Général de l’ONU sort de ses errances. Il refait surface pour ramener à l’ordre constitutionnel des pays où la mal gouvernance est responsable de la pauvreté chronique. L’Afrique ne peut continuer à vivre et à s’appauvrir sans perspectives et sans intégrer le nouveau monde multipolaire où se dessine déjà un nouvel ordre géopolitique. Ce nouveau monde multipolaire est très loin des divergences idéologiques où seuls les intérêts des Etats priment.
L’Afrique veut s’intégrer et gérer elle-même son destin trop souvent refoulé par les puissances qui l’ont esclavagisée et colonisée. Elle voudrait se prendre en main avec sa nouvelle jeunesse résiliente et prête à voler de ses propres ailes. Tout cela est possible.
Mais pour y parvenir, l’Afrique n’a plus besoin de tutorat ou de maitre. C’est la condition première pour son envol. Cette recherche de souveraineté absolue est à l’origine des coups d’Etats en cours et qui vont se poursuivre.
En effet, depuis les indépendances, l’Afrique n’a pas décollé. Elle reste la chasse gardée des puissances occidentales. Dans un vocabulaire péremptoire, elle demeure le pré carré du colonisateur. Cette situation doit bien prendre fin pour un continent riche de ses enfants, de ses réserves minières et de son agriculture.
Si à l’horizon aucun rayon de soleil n’apparait, il est logique que ses enfants s’interrogent. Dans cette quête à la liberté et à la vérité, la mal gouvernance est pointée du doigt. Les présidents exercice s’éternisent au pouvoir. Ils piétinent sans état d’âme leurs propres constitutions. Quand ce n’est pas le cas, ils cèdent le pouvoir à leurs progénitures. L’Afrique des indépendances s’est éloignée de ses ambitions de grandeur et de prospérité.
Ce constat est triste. Il est le marqueur d’un pouvoir illégitime de satrapes accrochés à leurs fauteuils avec la complicité évidente de leurs mentors occidentaux. Ces pouvoirs sont en surchauffe. Ils ne représentent plus la nouvelle Afrique que les jeunes appellent de toutes leurs forces.
Monsieur Antonio Guterres ne peut ignorer cette chappe de plomb qui étouffe l’Afrique depuis des siècles. Il ne sert à rien de faire perdurer un mode de gouvernance décrié et au bord du gouffre. La jeunesse africaine ne le comprendrait pas.
Voilà le chantier qu’il faut mettre en place. Le rôle de l’ONU serait alors le bienvenu dans cette nouvelle Afrique des libertés qui a vu ses pères fondateurs mourir les armes à la main.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant