La mélodie de l’impunité
Par Michel Lobé Etamé
Il y a des mots qui sifflent à nos oreilles. Ils deviennent si familiers que nous finissons par leur accorder très peu de crédit. L’impunité en est un parfait exemple. En Afrique francophone, les systèmes politiques devraient combattre sans ménagement des comportements qui transgressent les droits élémentaires du citoyen. Quand ce n’est pas le cas, nous vivons dans un système où le « deux poids, deux mesures » s’érige en règle absolue.
Ces pays sont fatalement condamnés à devenir des dictatures pour couvrir des femmes et des hommes qui ne s’embarrassent plus de voler l’argent public. Nous les surnommons les voleurs en col blanc. Et les femmes alors ?
Le vol des deniers publics est un crime. Il pénalise les projets qui doivent apporter un souffle salvateur au développement et aux populations. Les criminels qui le pratiquent doivent être traduits en justice. Ce n’est pas le cas dans les autocraties où ces actes sont couverts par un groupe d’individus au sommet de l’état.
Dans ce cas, les femmes et les hommes au pouvoir s’accrochent à un exercice qui rend tout changement politique impossible. Ces derniers ne peuvent tolérer des élections libres. Tout changement de régime est fatal à cette clique de prédateurs. La peur est leur hantise quotidienne. Ils savent qu’ils seront jugés et condamnés. Ils redoutent la justice, la vraie.
L’Afrique n’est pas le seul continent à combattre et à étouffer le mensonge. Mais ici, il atteint des proportions inquiétantes. Le mensonge ou plus prosaïquement la sauvagerie du pouvoir est de plus en plus confrontée à une jeunesse éveillée et résiliente. Le pouvoir en a de plus en plus peur. C’est pourquoi ce système aveugle, égoïste et sans âme favorise l’exode des jeunes vers la Méditerranée ou la mort est d’avance programmée.
Il faut bien le dire. Les jeunes africains qui traversent le désert et la Libye savent que la vie est sans espérance. Mais ils sont aussi convaincus que la vie est devenue un enfer chez eux et qu’aucun changement n’est possible. Mourir dans la Méditerranée ou chez soit n’a donc aucune importance. Ils sont fatalement condamnés.
Les naufragés de la méditerranée se comptent par milliers. Ils viennent s’ajouter aux naufragés de la Manche qui ont défrayé la chronique la semaine dernière. L’instabilité et l’avenir incertain poussent les femmes et les hommes à tout tenter. En Libye, la traite des noirs bat son plein. Ils se vendent à la criée. L’ONU, l’Union Africaine, l’Europe et le reste du monde ne peuvent ignorer les drames quotidiens qui alimentent les journaux et les réseaux sociaux. La banalisation de la mort fait partie de notre quotidien.
L’hypocrisie sélective qui s’observe en Occident est la seule réponse à un drame qui va se poursuivre. Un drame qui rentre dans les mœurs et qui n’émeut plus personne. Ces drames vont alimenter les journaux. Puis viendra l’accalmie. Et on passera à autre chose.
Les pouvoirs politiques en Afrique noire se terrent dans le silence face au fracas strident que les médias affichent. Ils sont indifférents au sort de leurs enfants qui crèvent pour fuir une misère systémique qui entache la réputation de tout le continent. Ces pouvoirs politiques en place, toute honte bue, s’accrochent, avec la complicité de leurs maîtres occidentaux, à leur fauteuil.
Face à ces drames quotidiens auxquels s’ajoutent les victimes innocentes des guerres larvées, le silence reste la seule réponse de nos dirigeants. Un silence qui siffle à nos oreilles comme une mélodie de l’impunité.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant