Le monde « intellectuel africain » est en ébullition. Celui qui fait les frais de cette calamiteuse cabale n’est rien d’autre que le brillant politologue camerounais, Achille Mbembé. Pour ses pourfendeurs, il a eu tort d’accepter un débat avec Emmanuel Macron. Et aussitôt, la trahison est évoquée. Faute de projets de circonstance, les insultent fusent. C’est la marque de ceux qui n’ont rien à proposer.
Que reproche-t-on à Achille Mbembé ? Les raisons invoquées jusqu’ici ne relèvent pas d’une démarche discursive mais plutôt d’un calcul scabreux de positionnement dans le débat public.
En effet, l’invitation d’Emmanuel Macron est une première en Afrique francophone où les intellectuels et les membres de la société civiles sont tenus en permanence hors du débat politique. Le débat avec Macron devrait susciter un sentiment d’intégration des intellectuels et de la société civile en francophonie où le modèle d’éducation scolaire est basé sur l’obéissance et à la servitude.
Cependant, nous pouvons douter de la sincérité de Macron dont les derniers actes politiques confirment son alignement sur les thèses réactionnaires d’une droite française accrochée à ses privilèges en Afrique. Pour preuve, Macron a avalisé le transfert du pouvoir politique au fils d’Idriss Déby après l’assassinat de ce dernier. Tout cela s’est fait au mépris de la constitution si chère aux « démocrates » donneurs de leçons. N’oublions pas non plus que Macron a célébré le bicentenaire de la mort de Napoléon le 5 mai 2021. Une célébration qu’aucun de ses prédécesseurs n’a osé. L’histoire nous rappelle que Napoléon a restauré l’esclavage en 1802, huit ans après son abolition par les nations Unies. La même année, il a radié de l’armée le Général Dumas parce qu’il n’était pas blanc. Le général Dumas était le père d’Alexandre Dumas, célèbre écrivain français dont le cercueil repose au panthéon.
Ainsi, nous avons la preuve que Macron n’est disposé à céder sur aucun sujet qui remettrait en cause les intérêts français en Afrique francophone. Cette politique qui consiste à souffler le froid et le chaud devrait consolider les positions des intellectuels francophones qui dénoncent et se battent pour sortir du cercle vicieux de la servitude volontaire des chefs d’états d’Afrique francophone.
Achille Mbembé a-t-il eu raison d’accepter le débat initié par Emmanuel Macron ? Nul ne saurait condamner l’intellectuel camerounais car Macron affiche depuis son arrivée à l’Elysée une volonté de redéfinir ce qu’il appelle « Les fondamentaux de la relation entre l’Afrique et la France ». Mais, est-ce suffisant pour mobiliser les intellectuels francophones longtemps écartés du débat politique ? Il faut aussi mettre au crédit d’Achille Mbembé son esprit critique à l’égard de la françafrique.
Nous devons aussi reconnaître que nos dirigeants actuels en francophonie sont incapables de redéfinir un nouveau cadre de la relation avec la France car ils sont le produit d’un système de soumission, d’assistance et d’obéissance à l’égard du « maître ».
Mais, est-ce une raison suffisante pour refuser de débattre avec son bourreau ?
Pour les détracteurs d’Achille Mbembé, les raisons du rejet d’un débat avec Macron restent floues car elles ne se substituent pas à une réflexion ni à une opinion plus ou moins divergente. Nous assistons, depuis quelques temps, à une floraison d’insultes, de railleries et de moqueries. Ce défoulement d’intellectuels est la marque des esprits arides incapables de faire des propositions à ceux qui vont participer à ce débat.
Achille Mbembé a raison d’accepter ce débat. En fin connaisseur des scandales qui secouent en permanence la francophonie, il est en mesure de poser des questions de fond et de de forme à Macron. Il s’y prépare avec tous ceux qui constituent l’équipe.
Le débat entre Macron et les intellectuels francophone doit se faire en dehors des passions car il permettra à l’opinion publique de découvrir, à travers les questions qui fâchent, le rôle cynique de la France dans ses anciennes colonies. Nous ne pouvons douter de la détermination des acteurs qui vont saisir cette opportunité pour déballer, en toute singularité, les liens incestueux qui gangrènent le développement de l’Afrique francophone.
Donner un blanc-seing à Achille Mbembé et à toute son équipe ne nous fera pas baisser la garde. Le combat pour une Afrique libre et responsable sera long. Il a déjà commencé avec les indépendances de façade. Il se poursuivra à travers d’autres luttes d’émancipation.
Les discours haineux des détracteurs d’Achille Mbembé sont une offense à la liberté. Pourquoi jeter l’anathème sur lui ? Les juges occasionnels qui s’érigent en censeurs devraient se prononcer à la fin du débat qui n’est en rien une fatalité. Ce débat aura lieu. Il préfigure une nouvelle ère qui mettra fin à des siècles d’internement et d’humiliation.
Mais pour les détracteurs en quête de notoriété, l’occasion est trop belle pour entrer en scène. C’est l’arme de ceux qui n’ont rien à offrir ni à proposer et qui s’égosillent. Que proposent-ils ? Rien. Les invectives et les insultent suffisent-elles à jeter l’opprobre sur ceux qui œuvrent à une relation équilibrée et juste avec le colonisateur ?
Gardons notre sang froid. Le débat initié par Macron n’est que le prélude d’une relation nouvelle avec la France pour mettre fin à des siècles d’esclavage, de colonisation et de néo colonisation.
Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant