Paul Biya, au fil des décennies, nous a habitués à des discours de persuasion qui en font un très bon vendeur d’idées qui ne se concrétisent jamais. Maitrisant parfaitement la situation chaotique dans laquelle est plongé le Cameroun par deux guerres, il prend à témoin le monde entier pour justifier ses manquements. L’environnement international, secoué certes par une pandémie, ne saurait justifier les passifs successifs d’un régime usé et incapable de combattre une autre pandémie plus ravageuse que le Coronavirus : la corruption endémique.
La gouvernance n’est pas un exercice aisé, me direz-vous. Mais au bout de 39 ans de règne sans partage, peut-on continuer à faire des promesses sans lendemain ? Cet exercice de déni ne trompe plus personne.
Quand nous décryptons l’allocution éruptive du 31 décembre 2020 de Paul Biya, il saute vite aux yeux qu’il ne se donne plus la peine d’innover. Il excelle dans la langue de bois. Les mêmes mots, les mêmes phrases, les mêmes promesses de création d’emplois tournent en boucle depuis son arrivée au pouvoir et plongent le Cameroun dans les abimes.
Que pouvons-nous retenir de son sempiternel plan de la persuasion ?
Si rien ne va, c’est la faute des autres. Il y a d’abord le Coronavirus. Puis s’enchainent la sécurité et la paix du territoire national secoué par Boko Haram et les sécessionnistes du NOSO. Exercice d’équilibriste mal engagé, Paul Biya se perd en qualifiant ces derniers de bandits de grands chemins qui sèment la terreur et l’insécurité par des assassinats d’enfants.
Nous attendions de vous un message de paix. Vous débitez un message guerrier. Le Cameroun a besoin de paix et de réconciliation, Monsieur le Président.
Unanimement, nous condamnons sans réserve toutes ces exactions aveugles. Mais un vrai dialogue inclusif ne serait-il pas la meilleure solution dans un pays qui couve depuis toujours des velléités séparatistes ?
Vient ensuite la consolidation du processus démocratique. Ici, Paul Biya se perd dans la définition de la démocratie. Il devrait parler d’autocratie dans un système où l’opposition ne peut ni manifester pacifiquement, ni faire entendre sa voix. Elle est sévèrement réprimandée à la moindre manifestation taxée d’insurrection.
Monsieur Biya, dans une démocratie, les institutions doivent être appliquées à tous les citoyens. Manifester est un droit citoyen et légal. C’est une marque de la liberté d’expression. Vous ne pouvez pas l’ignorer. Votre message, à n’en pas douter, s’adresse à l’opposant Maurice Kamto que vous caricaturez et que vous intimidez. Vous avez tort car vous vous devez un respect mutuel en tant que concitoyens d’un même pays. Vos propos créent une inquiétude démocratique pour tous ceux qui osent s’opposer à vous. Dans ce contexte, allons-nous tout droit vers une dictature plus viciée qui caporalise le citoyen ?
Mais quand on revient sur votre discours discursif, nous nous apercevons que vous ne faites pas un bilan de vos réalisations ni du dévoiement de vos fidèles collaborateurs. Cet exercice périlleux vous permettra de mieux percevoir les faiblesses des projets passés et en cours.
Le taux de croissance à 4% n’a jamais été atteint et ne peut donc avoir subi une nette érosion comme vous l’affirmez. Dans ce climat de doute et d’abandon, vos projections à un taux de croissance à 8% pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2035 (OMD) relèvent de la gageure. Soyons sérieux !
Que dire des projets en cours ?
Le DSCE (Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi) n’a jamais atteint ses objectifs. Pourquoi le remplacer sans faire un bilan exhaustif qui permettrait d’éviter de nouveaux écueils ?
La SND (Stratégie Nationale de Développement) qui remplace le DSCE n’est qu’un savant enfumage. Le chômage et la pauvreté atteignent de records qui désespèrent une jeunesse désabusée. Il ne sert à rien de proposer de nouveaux projets tant qu’un examen de conscience nationale ne mettrait pas fin à la dispersion des deniers publics.
Les réformes indispensables
Les réformes indispensables, parlons-en ! Voilà encore un vain mot, Monsieur le Président. Le Cameroun croule sous les projets et la dette. Ces réformes n’aboutissent pas. Il faudrait donc s’interroger. Qui protège les fossoyeurs de la république ?
Pour entreprendre des réformes indispensables, le Cameroun regorge de talents. Mais rien ne sera possible tant que des prévaricateurs conduiront les- dits projets. N’est-il pas temps de juger tous ceux qui abusent de leurs privilèges et des postes qu’ils occupent ?
L’union et la détermination dont vous parlez ne peuvent s’appliquer dans un climat de suspicion et de terreur où l’injustice, l’arbitraire et l’incompétence se sont érigées en modèle de gouvernance. Pensez-y !
Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant