L’ANALYSE DE BORIS BERTOLT
Je suis Maurice Kamto depuis 9 ans. C’est à dire depuis sa sortie du gouvernement. J’ai lu tout ce qu’il a pu écrire sur le Cameroun et tous ses discours depuis sa sortie du pouvoir et son élection à la tête du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Cependant, il n’a jamais été aussi lethal. Une lethalité tant sur le point de la forme que du fond. Ce qui ne l’éloigne pas de sa stature de républicain et d’homme profondément mu par le désir de construire une République nouvelle et de protéger ses concitoyens de la violence politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la résolution de la crise anglophone et la reforme du système électoral qui sont à la base des crises sécuritaires et politiques qui affectent notre pays sont mises en avant par Maurice Kamto avant l’organisation de toute échéance électorale. Ce qui est fondamental car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et l’expérience montre que le Cameroun n’est pas à l’abri de ce qui s’est produit ailleurs : guerre civile ou rebellion armé. En tant que leader politique il réaffirme que son ambition n’est pas forcément de conduire les destinées du Cameroun mais de créer un contexte social et politique de respect, d’amour, de vivre ensemble et de démocratie. Mais ce qui m’interresse ici c’est la violence du discours.
SUR LA FORME
La forme en elle même traduit la gravité du moment. Certainement de la colère. Une veste noire : signe du deuil. Une cravate rouge : le sang. Un visage ferme : la colère. Des mains qui s’agitent en permanence : la fermeté. Un discours environ 110 lignes texte. Avec de longs paragraphes. Mais qui ne sont pas nombreux. Ce qui renvoie en réalité à une voté de parler peu mais de manière dense. Tout en développant une ou deux idées cléées. Régulièrement ses discours chevauchent entre 17 minutes et environ 30 minutes. C’est un professeur d’université qui a pleinement conscience du faible niveau de politisation de la société camerounaise. Donc il s’inscrit toujours dans cette dimension pédagogique qui vise à donner des instruments analytiques à ceux qui savent expliquer ou de simplifier la compréhension à ceux qui ne peuvent pas percevoir certaines dynamiques politiques. C’est un discours qui fait exactement 9mn 20 secondes. C’est à dire deux fois moins que le temps habituel. Cela veut dire qu’il avait un seul message à passer : le NON AU GRE A GRE. Cependant il le martèle depuis des mois. Donc à priori on pourrait penser que cela n’est pas nouveau. Mais ce qui est intéressant c’est qu’il s’agit pour la première fois d’un discours qui porte sur un rejet d’un dévolution non démocratique du pouvoir. Cela traduit à la fois une préoccupation profonde mais également l’urgence de se préparer pour s’y opposer. Mais c’est dans le fond qu’il se pose en général d’armée contre le gré à gré.
SUR LE FOND
Ce qui est clair c’est qu’au delà des question politiques c’est à dire qu’il reste ferme sur deux enjeux : résolutions de la crise anglophone et reforme du système électoral. Maurice Kamto se pose se pose clairement en général des troupe prêt à repartir sur le terrain. La dernière fois où il avait fait montre de cette aptitude c’était le 26 janvier 2019 à Douala avec Christian Penda Ekoka et Albert Dzongang à ses côtés. Ce jour il invitait les parents à laisser leurs enfants à la maison et venir marcher avec lui qui est également père de famille. Il sera arrêté le 28 janvier 2019 et après 9 mois de prison lorsqu’il sortira il se dira directement prêt à y retourner au nom de la liberté et de la démocratie. Cette fois -ci il lance un ultimatum lorsqu’il dit :« Nous nous dresserons contre toute manipulation, même constitutionnelle, tendant à l’accession à la fonction suprême par des moyens autres qu’électifs. Nous nous mobiliserons contre l’organisation de nouvelles élections populaires au Cameroun sans que soient remplis les deux préalables majeurs que sont la résolution du conflit armé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et la réforme consensuelle du système électoral ». Il ne s’arreête pas là. Il poursuit en affirmant : « Trop c’est trop ». Il marque là son exaspération mais plus profondément sa détermination.
Cette détermination qui traduit en réalité un sens du sacrifice qu’il a endogeneisé se lit dans cette phrase : « Nous sommes prêts ! Les tortures, les emprisonnements arbitraires et les humiliations, nous les connaissons déjà ! Quinze d’entre nous, dont le premier Vice-Président du MRC, Mamadou Yacouba Mota, sont encore en prison. Et si la mort doit venir pour cette cause, qu’elle vienne ! ». Dans ces propos ce n’est pas seulement l’expérience de la prison, de l’enferment en dictature que Maurice Kamto mais en exergue. Mais c’est l’esprit du sacrifice ultime. Ce sacrifice ultime, c’est la mort. Heidegger ne disait pas t’il que lorsqu’on nait on est assez vieux pour mourir. Maurice Kamto est prêt à mourir. D’ailleurs et le réitère dans ces propos : « Je vous l’ai dit, je ne vous trahirai jamais ! ».
Pour finir, il y a une très forte dimension d’interpellation à la citoyenneté. Il y a une volonté d’inviter les camerounais à se battre à ses côtés. A plusieurs reprises il utilise le « vous ». Unvolonté de parler directement à ceux qui l’écoutent. Il a pleinement conscience que cette bataille dans laquelle il est prêt pour l’ultime sacrifice est une lutte commune. « Tenez-vous prêts, mes chers compatriotes, afin qu’ensemble nous engagions la phase ultime de la lutte pour la libération du Cameroun et l’avènement de la démocratie dans la vie politique de notre pays. Vous devez enfin pouvoir peser sur le destin de notre nation, compter sur un meilleur avenir pour vos enfants, construire un pays fort et lui assurer un rayonnement international » martèle t’il. Il a pleinement conscience que les jours les mois les années qui arrivent sont déterminants pour l’avenir de ce pays. Il appelle le peuple à faire chorus derrière lui. Il a pleinement conscience de la difficulté mais se pose en rassembleur. L’objectif selon lui est clair : « épargner à notre pays un nouveau désastre de presqu’un demi-siècle qu’on lui prépare à travers l’usurpation du pouvoir ». Sur cette phrase il se pose de nouveau en leader nationaliste. Car en réalité il y a 50 ans, le parti qui avait les ressources humaines et l’organisation pour prendre en main le destin du Cameroun, l’UPC a été sacrifié, humilié et ses leaders assassinés. Notamment Um Nyobe. Maurice Kamto appelle à mettre fin à cette tragédie de l’histoire.
Nous découvrons ce soir un autre Maurice Kamto.
BORIS BERTOLT