L’état colonial français a profondément influencé la doctrine et le fonctionnement de l’état camerounais. Puisque la relation entre la France et le Cameroun ne s’est pas brusquement interrompue en 1960. Au contraire, l’élite camerounaise, formée en France, va perpétuer la vision coloniale de l’état, convaincue d’œuvrer pour la cohésion du pays. Pour comprendre la violence qui se déploie à l’heure actuelle en Ambazonie, il faut remonter aux origines de l’état camerounais.
La répression par nature.
Le projet colonial était une vaste entreprise de pillage au profit d’une minorité. L’état colonial était donc répressif par nature. Cette caractéristique est reprise telle qu’elle par l’état camerounais. En inscrivant son action dans le registre de la répression, il laisse à ses ressortissants le choix entre la soumission et l’exil. L’individu court en permanence le risque d’être dépossédé de son corps, qui peut être soit emprisonné soit assassiné.
La tribalisation de la société.
La violence est officiellement justifiée comme principe fondateur de la nation. Or, dans les faits, elle perpétue la vision coloniale de la société divisée en tribus. Ainsi, l’état se comporte comme son ancêtre l’état colonial, lorsqu’il était aux prises avec les royaumes ou les cités composants son empire. La répartition du pouvoir se fait par cooptation à l’intérieur de la tribu avec une prime pour celle du président, qui rafle les fonctions régaliennes.
La répétition de l’histoire
La conjugaison de ces deux paramètres a déjà été portée à son paroxysme de 1956 à 1958 pour réprimer la révolution nationale de l’UPC en pays Bassa, ainsi que de 1960 à 1970 en pays Bamiléké et dans le Moungo. Quarante-six ans plus tard, les mêmes méthodes sont à l’œuvre en Ambazonie. Le dispositif répressif déployé par l’état est tel que les conditions d’un génocide sont réunies.
Le refus du dialogue
Le courant de la restauration ambazonienne a émergé à la suite du refus du chef de l’état camerounais de discuter la revendication portant sur la forme de l’état, au prétexte de conserver l’unité du pays. Or, comme nous l’avons observé plus haut, la nation camerounaise n’existe pas encore. Le refus du dialogue apparaît donc comme une stratégie visant à radicaliser le mouvement ambazonien, afin de le décrédibiliser auprès de l’opinion.
Le spectre du terrorisme.
L’état camerounais va s’activer à transformer le mouvement ambazonien en mouvement terroriste. Dans un premier temps, les médias annoncent la découverte de caches d’armes. Ensuite, des attentats à la bombe artisanale ont lieu à Douala et à Bamenda, des marchés et des écoles sont brûlés. Le discours officiel impute ces actes au mouvement ambazonien. Jusqu’à présent, aucune enquête n’a rendu ses conclusions sur ces différentes affaires.
Au regard de la stratégie de l’état, on peut raisonnablement s’interroger sur les auteurs de ces forfaits. Toujours est-il qu’ils ont suscité de manière immédiate la catégorisation des ambazoniens comme terroristes, justifiant le droit de les tuer, en application de la loi antiterroriste de 2014.
Massacres de masse
La violence d’état qui s’exerce sur la population ambazonienne est de type génocidaire. La distribution de la force est naturellement en faveur de l’état camerounais. Toutefois, cette violence ne permettra pas de résoudre durablement la crise. Son but étant d’enfoncer encore plus la partie francophone du pays dans le silence et dans la peur.
La mécanique génocidaire peut être enrayée par un changement de régime. Par contre, sur le long terme, seule une décolonisation de l’état favorisera la naissance de la nation camerounaise.
Timba Bema