Éditorial
Par Michel Lobé Etamé
Les élections présidentielles d’octobre 2018 ont éclipsé les problèmes majeurs du Cameroun qui sont la dette intérieure et l’explosion du déficit de la balance commerciale du pays. Une fois encore, le Cameroun a fait preuve d’un illogisme dont les conséquences seront fâcheuses à long terme pour son économie. Les décideurs ont attaché la charrue avant les bœufs avec la prolifération des supermarchés dont les importations de produits manufacturés ont fait exploser la balance commerciale.
A la lecture du dernier rapport de l’Institut National des Statistiques (INS), le déficit de la balance commerciale du Cameroun se chiffrait au premier semestre 2018 à près de 1000 milliards FCFA. Ce chiffre est vertigineux. Il ne peut laisser indifférent.
Sommes-nous frappés par la fatalité ou la cécité volontaire ? La gestion d’un pays exige une éthique et une rigueur à toutes les épreuves. Or au cours de la dernière campagne présidentielle, aucun candidat n’a évoqué le déficit colossal de cette balance commerciale qui est l’une des causes majeures d’une production industrielle atone. Aucun candidat n’a évoqué la dette du pays qui plombe les investissements et qui s’élève à 6 527 milliards de FCFA.
La dette et l’énorme déficit de la balance commerciale du Cameroun nourrissent un certain nombre de questionnements et d’inquiétude. Comment va-t-on financer le projet actuel du budget estimé à 4850,5 milliards de FCA ? Fera-t-on encore appel aux emprunts qui minent déjà les projets en cours ?
Pouvons-nous continuellement vivre des importations ? Aucune théorie économique ne saurait cautionner nos errements de gestion qui se moquent des lois de l’équilibre des relations commerciales.
Typologie des obstacles qui plombent la balance commerciale
Il ne serait pas exagéré de qualifier d’importations sauvages les produits manufacturés vendus au Cameroun. Nous sommes par conséquent consommateurs de tout. Nos supermarchés regorgent de tous les produits à faire pâlir le consommateur européen. Ces importations proviennent des « partenaires » traditionnels : Union européenne, Chine, USA, etc. Et selon le dernier rapport de l’INS, les produits sur le marché local ont atteint plus de 20,8% en valeur et plus de 27,2% en quantité.
Au cours de la même période, souligne l’INS, les exportations du Cameroun vers les marchés étrangers ont chuté de 16,8% en valeur et de 24,7% en quantité. Sans avoir à détailler la nature exacte des produits d’exportation qui n’ont aucune valeur ajoutée, l’émotion nous conduits à nous interroger sur nos politiques de production et de création de richesse. Le constat est fatal. Nos étals sont bondés de marchandises que nous pouvons produire localement. Ce n’est donc pas une surprise que notre déficit commercial se creuse de manière exponentielle sans aucune vigilance des autorités.
La prolifération des supermarchés mal maitrisée est à l’origine de l’explosion de la balance commerciale du Cameroun. Ces marchés modernes qui font la fierté des « illuminés » importent plus de 98% des marchandises exposées. Les produits locaux sont pénalisés et ne peuvent concurrencer les produits à bas prix « made in Chine » ou ailleurs. C’est la mort programmée des petites industries locales et traditionnelles.
Le marché camerounais ne peut résister longtemps aux importations de produits manufacturés qui tuent les productions locales industrielles et agricoles. Les conséquences sont fâcheuses. Le chômage touche de milliers de jeunes diplômés dont les qualifications ne correspondent pas au marché du travail. La criminalité en ville est en forte croissance. La désertification des campagnes pénalise la production les cultures vivrières. La délinquance, l’absence de perspectives d’avenir créent un climat d’insécurité propice à une explosion sociale. Les créateurs de richesse sont confrontés à un système bancaire traditionnellement verrouillé.
Le Cameroun ne peut longtemps occulter la réalité économique et sociologique qui condamne le pays à une mort programmée. Le fossé qui sépare les riches et les pauvres ne fait que s’élargir.
Est-il encore possible de sauver les meubles ? Tout dépendra de la détermination du nouveau gouvernement.
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste