La perspective d’une victoire de l’opposition Camerounaise à l’élection présidentielle du 07 octobre dernier, et le braquage électoral qui se profile du coté du pouvoir, ont plongé le Cameroun dans une transe collective, tenaillé qu’il est par deux groupes d’acteurs : ceux qui aspirent au changement et ceux qui sont pour le statu quo et la conservation à tous les prix, d’un pouvoir désormais usé, brutal et largement minoritaire au Cameroun.
Dans ce magma politico-social, cultiver la Peur de l’autre, la Peur du changement, la Peur d’exprimer son avis ou son mécontentement est puissamment activé par les tenants du pouvoir, comme arme atomique pour juguler les démons du progressisme, et s’éterniser…
LA PEUR DE L’AUTRE
S’il ya une chose que le régime RDPC a réussi en 36 années de déconstruction économique, politique, sociale et culturelle, c’est d’inoculer au Cameroun la discrimination par la tribu d’origine. Ce que l’on appelle couramment le tribalisme.
Se sentant ébranlé par un rejet populaire sans précédent malgré les fraudes, cette médiocratie active le levier tribal pour agrégé dans ce piège à souris, quelques esprits faibles, à qui l’on présentera l’autre comme le danger absolu, pour la survie de tous et contre qui il faudra se battre par tous les moyens.
Malgré tout, les Camerounais, dans leur immense majorité, font preuve d’une certaine maturité politique dans ce pays du tout relatif, y compris la couleur de l’eau potable… Non tout n’est pas défendable, surtout pas le bilan de Paul BIYA . Réfléchissant sur son œuvre de déconstruction, il m’est revenu que cette performance dont le point culminant est la guerre contre les Anglophones est sans équivalent . Non, tout n’est pas relatif, même en politique.
Aucun camerounais ne devrait souffrir des errances d’un régime aux abois.
LA PEUR DU CHANGEMENT
Un adage dit « quand on est couché, on ne peut que se relever ». Refuser la fatalité et croire en un Cameroun meilleur, doit être l’unique leitmotiv qui influence notre façon d’agir. Dans cet ordre d’idées, cette campagne électorale est assurément l’une des plus puissantes de l’histoire du Cameroun moderne.
Elle aura permis à ce pays de sortir de ses entrailles des talents hors normes: MATOMBA, AKERE, KAMTO, LIBII, OSIH…
Ceux de nos compatriotes qui pour soutenir l’immobilisme au Cameroun, tentaient d’expliquer qu’il n’y a personne à même d’assumer avec compétence cette charge, ont perdu tout argument. En réponse à cette offre politique riche, le peuple camerounais a réagi avec un enthousiasme d’une rare qualité.
Dans cette galaxie de candidats, avec un panache remarquable et une intelligence politique qu’on ne lui connaissait pas jusqu’à lors, Maurice KAMTO s’est démarqué. Il apparaît aujourd’hui comme le candidat le plus à même de porter les espoirs de changement au Cameroun et c’est pourquoi le peuple semble lui avoir donné sa confiance d’après les résultats fiables qui nous sont parvenus.
Cette avance a donc déclenché de la part des tenants du pouvoir, un concert de calomnies, de menaces et de haines qui se sont heurtées à ce monument au parcours exceptionnel.
Défaits, les stratèges de la division et donc de l’isolement de Maurice KAMTO, ont cru devoir le présenter comme un « tribaliste » ou le candidat d’une tribu. Ce qui contraste évidemment avec la grande mobilisation populaire sans précédent, qu’il a suscité sur l’étendue du territoire national.
A ce sujet, je veux ici apporter trois témoignages personnels: j’ai effectué mon premier cycle universitaire à l’Université de Yaoundé, faculté de droit… La promotion ou le soutien des étudiants en thèse et surtout leur recrutement comme enseignant dépendait aussi de l’appartenance ethnique des professeurs de rang magistral qui y avaient le pouvoir, en tant que doyen, chef de département ou recteur…C’est ainsi qu’on pouvait observer la prédominance dans le corps enseignant d’un département, de personnes de la même ethnie que celui qui a le pouvoir de décider.
Jamais dans nos discussions d’étudiants et plus tard de professionnels, à ce sujet, le nom KAMTO n’avait été cité comme faisant partie des adeptes de cette forme de promotion par la tribu.
Autre témoignage: des confrères Bamilékés, huissiers de justice en attente de charge, las d’attendre des années, voire des décennies pour certains, étaient allés voir le frère KAMTO, alors ministre délégué en charge de la justice, afin que ce dernier fasse avancer leur dossier de nomination à une charge d’huissier de justice. Le ministre KAMTO les a habilement éconduits et ces derniers (ils se reconnaitront et certains attendent encore) sont revenus profondément déçus par cet homme qui ne savait pas aider ses frères du village…
Il ya trois semaines, j’ai eu au téléphone un confrère et ami, auxiliaire de justice, originaire de Baham, avec qui j’ai essayé d’évoquer la situation politique au Cameroun. Ce dernier m’a dit dans un premier temps, qu’il est apolitique…C’est alors que je me suis montré plus incisif en lui disant qu’il devrait s’y intéresser d’autant qu’un Baham, donc son frère, est candidat à cette élection. Sortant brusquement de ce qui apparaissait comme une forme de réserve politique, ou de neutralité, il me lança: surtout pas celui là, car au moment où il était aux affaires, il n’a rien fait pour les Baham, ni pour le village…D’où le courroux du chef Baham à son endroit. Ce que semble confirmer l’actualité électorale récente à Baham.
Voilà donc le tribaliste KAMTO qu’on vous présente. Ceci sonne comme un avis aux bamilékés qui le soutenant, croiraient venu leur temps de se servir…Il seront amèrement déçus.
KAMTO au regard de ces éléments objectifs, est l’homme qu’il faut pour ce pays agonisant de ses multi-pathologies.
LA PEUR D’EXPRIMER SON AVIS OU DE MANIFESTER
Exprimer son avis par tous les moyens de communication ou organiser des manifestations publiques pour le faire est devenu dangereux au Cameroun, d’autant qu’elle peut coûter la vie.
Il n’est pas rare de s’entendre dire à l’évocation d’une manifestation : « envoyez y vos enfants ou venez manifester ici, car nous ne voulons plus mourir ». Ce qui traduit une réalité terrible qui nous a conduit à la guerre dans les parties anglophones du pays: exprimer pacifiquement son opinion ou sa désapprobation, qui est un droit reconnu par la Constitution du Cameroun et par la déclaration universelle des droits de l’homme, peut vous coûter la vie au pays de Paul BIYA. Et ceci est accepté comme tel. Cette peur est donc brandie, distillée et agitée par les adeptes du statu quo, pour décourager toute mobilisation populaire susceptible de faire tomber ce régime moribond. On évoque, pour priver les citoyens de ce droit essentiel, l’ordre public immatériel, la privatisation de l’espace public, la peur des dégâts matériels, les risques pour la vie des manifestants…
On se rend compte qu’ici la consécration constitutionnelle de la liberté de réunion et de manifestation est un vœu pieux dans la pratique, pourtant elle est intrinsèquement liée à l’idée de démocratie, unique modèle politique reconnu par le droit conventionnel, qui sous-tend l’ensemble des libertés. Il ne saurait donc y avoir une démocratie à l’indigène ou à la camerounaise.
En tant que mouvement social, les manifestations sont des moyens pacifiques de défendre des droits. Ce n’est pas une déclaration de guerre, contrairement à ce qui est dit sur les réseaux sociaux et par les tenants du pouvoir au Cameroun. La liberté de manifestation ou le droit de chacun « d’être physiquement ensemble » offre au citoyen, le droit de s’opposer, y compris physiquement, aux détenteurs du pouvoir par le biais des manifestations et des cortèges de protestation et de participer ainsi à la résolution de certains problèmes et aux choix politiques.
En somme,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas une déclaration de guerre,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas un appel à la violence,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas un acte de rébellion,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas être contre son pays, c’est davantage l’aimer,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas vouloir mourir, c’est aspirer à une vie meilleure,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas être contre la loi, c’est exercer un droit constitutionnellement reconnu,
- manifester pacifiquement, ce n’est pas réduire les droits d’autrui, mais c’est demander pour soi, davantage de droits,
- manifester pacifiquement, c’est simplement s’assumer comme citoyen en démocratie.
Le rôle de la police est donc, de promouvoir et d’encadrer ce droit. Toute violence à l’endroit d’un manifestant constitue une infraction de droit commun qui doit être réprimée comme telle .
Toutes les démarches juridiques, doivent désormais être envisagées y compris à l’endroit des donneurs d’ordre, pour que plus que jamais, aujourd’hui et demain ne soient PLUS comme hier.
Me Amédée TOUKO
Juriste